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Publié le 10 sep 2024 - Mis à jour le
Après le débarquement allié du 6 juin en Normandie et alors que l’occupant se voit contraint de reculer sur tous les fronts, le Département de l’Aisne va connaître une terrible série d’exactions orchestrées par une armée allemande en repli qui sait que ses jours sur le territoire français sont comptés.
Dès 1940, différents mouvements de résistance voient le jour sur le sol français. Ce sont d’abord des actes individuels et isolés dans le lourd climat de déliquescence et de désorganisation qui suit la défaite, mais différents mouvements vont se structurer après l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle, puis à partir de 1942 et la création de la zone de démarcation. Au Nord, en zone occupée, c’est l’action militaire contre l’occupant qui est privilégiée par les premiers mouvements, à l’image du réseau Vérité française qui se met en place dans le Soissonnais et qui va constituer les premiers dépôts d’armes récupérées sur les champs de bataille immédiatement après la déroute des forces françaises. En Thiérache, le réseau de la Confrérie Notre Dame se met en place à Hirson autour du docteur Pierre Fresnel et mène des actions de renseignement pour le Bureau Central de Renseignement et d’Action (B.C.R.A.). Fin 1943, un nouveau centre de commandement voit le jour à Saint-Algis, au lieu-dit du Moulin de la Coupille. C’est ainsi que naît le maquis de la Coupille qui après mars 1944 sera le QG du Groupement C des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
A l’approche du débarquement allié, des dizaines de parachutages vont s’organiser depuis Saint-Algis, sous le commandement d’Arnaud Bisson, responsable départemental du Bureau des Opérations Aériennes (BOA). Le moment de faire parler les armes se rapproche et le maquis accueille toujours plus de volontaires désireux d’en découdre enfin avec l’occupant. A Saint-Algis ils sont près de 45 hommes à aller et venir de façon intermittente. Mais dans le même temps, la traque des cellules de résistance s’intensifie.
Les contrôles routiers se multiplient et le 30 juin, le chef des opérations Arnaud Bisson est mortellement blessé à l’entrée de Sains-Richaumont alors qu’avec Florent Debuisson, Marc Grether et Désiré Merlin ils forcent un barrage à bord de leur traction transportant armes et munitions.
Dans les jours qui suivent, Jean Merlin reprend le commandement du BOA et du maquis de la Coupille. Les parachutages et les transports continuent à un rythme soutenu. Le 7 juillet à 10h15, le maquisard Gaston Baron observe quatre véhicules allemands arrêtés à un kilomètre du moulin. Il donne aussitôt l’alerte, des camions convergeant depuis Hirson, Vervins et Guise ont aussi été vus et c’est une manœuvre d’encerclement qui se profile. Pierre Deshaye et son adjoint quittent le site, emmenant avec eux les habitantes du moulin, Mme Armand et sa nièce Gisèle, pour les mettre à l’abri. Il ne reste que 14 combattants sur place.
L’assaut va durer trois quart d’heure avant que Jean Merlin ne prenne la décision de détruire les 8 tonnes de matériel stockées sur place. Le gendarme Edmond Bachimont a été mortellement touché et le chauffeur-mécanicien Florent Debuisson a été capturé. La poignée de maquisards encore sur place tente une sortie par groupes de quatre, armés de pistolets et de grenades. Dix d’entre eux vont miraculeusement réussir à s’échapper au milieu des explosions et des balles qui fusent, mais Hector Polvent, Marcel Annoepel et André Droit, eux, ne se relèveront pas.
Côté allemand, on compte douze morts et dix-neuf blessés. Prisonnier, Florent Debuisson sera torturé à la prison de Saint-Quentin puis déporté à Buchenwald. Il survivra aux marches de la mort vers le camp de Dachau en avril 45 et rentrera finalement en France.
Paris a été libérée le 25 août et dans les territoires encore occupés, la Résistance est en effervescence. Mais dans l’Aisne, le repli des Allemands les rend d’autant plus présents et les allers et venues des membres de la Résistance n’en sont que plus dangereux. Le 26 août, ceux du Saint-Quentinois sont prévenus que des parachutages d’armes vont avoir lieu. Le 27 en fin de matinée, une poignée d’hommes menée par le capitaine Corrette partent de Saint-Quentin à bord d’une camionnette pour réceptionner les armes parachutées au nord de Fieulaine. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’une colonne allemande a établi son cantonnement à Fontaine-Notre-Dame dans la ferme Malin, une mitrailleuse braquée en direction de la route d’Homblières. La camionnette croise trois jeunes cyclistes qui l’informent de la présence de quelques allemands mais ils ne savent pas que de nombreux soldats sont arrivés entre deux. Eugène Corette et ses hommes décident de traverser le village.
A hauteur de la ferme, la camionnette est stoppée et fouillée, des armes sont découvertes. Tous les occupants sont alignés le long d’un muret ainsi que Pierre Dupont et Henri Legrand, deux des trois cyclistes croisés plus tôt qui avaient décidé de suivre la camionnette. Arrivés à moto, deux autres résistants, Jacques Braconnier et André Tabary, voient que les Allemands sont dans la place et rebroussent prudemment chemin.
Ils aperçoivent une deuxième camionnette en route pour le parachutage mais ne parviennent pas à prévenir les occupants de ce qui les attend un peu plus loin. Dès qu’elle est dans l’axe de la mitrailleuse installée sur la route, le véhicule essuie un tir nourri qui tue net Louis Bachy le conducteur ainsi que onze autres occupants. Un seul passager, Olivier Balourdet, parvient à s’extirper du véhicule immobilisé contre un grillage et, bien que blessé, réussit à s’enfuir. Les occupants de la première camionnette sont alors passés par les armes sans autre forme de procès.
Un seul d’entre eux, Maurice Alexandre parvient à se soustraire aux balles et se cache dans un tas de foin. Les officiers allemands ordonneront aux habitants du village d’ensevelir les corps des 19 victimes le lendemain dans une fosse commune, sans linceul ni cérémonie religieuse.
Le 29 août 1944, Soissons est libérée par l’armée américaine. Tandis que l’on cherche à regrouper les patriotes dans les carrières de Ressons-le-Long, un soldat américain, John Callif, est capturé par les Allemands embusqués au bois de Chassis. Il est exécuté et déshabillé. Le piège se met en place : un homme vêtu de l’uniforme américain et parlant un français guttural se présente à l’hôtel de la Croix d’Or de Soissons, le PC des FFI, et déclare au capitaine Alain être envoyé́ par le commandement américain du secteur de Vic-sur-Aisne pour demander un renfort.
Et le piège va se refermer. Une quarantaine de combattants sont emmenés en camion qui est pris pour cible par deux chars allemands dès qu’il arrive à hauteur du bois de Chassis. René Mailler le conducteur, Charles Perdrini, Florentin Démaret et Jean Zunino sont tués à ce moment-là. Les autres se cachent dans le fossé, certains se laissent convaincre par des appels en français de sortir de leur cachette mais ils sont aussitôt abattus.
Envoyés pour savoir ce qui se passe, le lieutenant Devillers et le lieutenant Muller des FFL tombent tous deux dans le piège tendu et sont exécutés. Trois résistants de Vic, Lucien Damy, Jacques Blin et Pierre Roger ainsi qu’Yvette Rousseaux, la compagne de l’un d’eux, tomberont aussi dans ce piège mortel après avoir traversé la rivière l’Aisne en barque. Ce guet-apens causera également la mort d’Edouard Ricard qui tentait de rejoindre le village de Jaulzy et celle de l’ambulancier Jérôme Le Mao dont le véhicule sauta sur une mine pendant la nuit alors qu’il portait secours aux survivants.
Ressons-le-Long est libérée par les alliés le lendemain. Cinq soldat allemands faits prisonniers ce jour là seront fusillés sur la place de la mairie.