1814
Des combats de 1914 aux grandes offensives de 1918 dans le Tardenois et le Soissonnais en passant par la bataille du Chemin des Dames et la bataille de la Malmaisonen 1917, l’Aisne est en effet le théâtre de violents affrontements qui en font le réceptacle d’une forte mémoire combattante internationale, qui a ancré le souvenir des épreuves traversées à travers de nombreux monuments. Ceux-ci rappellent encore aujourd’hui l’importance de cette guerre dans notre Histoire et dans le paysage axonais qu’elle a transformé à jamais.
Publié le 23 aoû 2024 - Mis à jour le
Encore sous le choc de la confrontation avec les armées allemandes sur les frontières, les armées françaises sont en pleine retraite alors que s’achève le mois d’août 1914. Repliée dans l’Aisne et isolée en pointe du dispositif des armées françaises, la 5e armée du général Lanrezac doit faire face le 29 août 1914 à la 2e armée allemande près de Guise, tout en obéissant à l’ordre d’attaquer en direction de Saint-Quentin.
Au cœur de l’été 1914, les armées françaises tentent de faire face aux armées allemandes qui appliquent le plan Schlieffen à travers la Belgique et le nord de la France. Confrontées à Charleroi et Mons à la 1ère armée allemande du général Von Kluck et à la 2e armée allemande du général Von Bülow, la 5e armée française du général Lanrezac et le Corps expéditionnaire britannique du maréchal French, qui forment l’aile gauche des forces alliées, ont été contraints de se replier vers le sud sous une chaleur accablante. Le 26 août, alors que les troupes britanniques sont à nouveau violemment attaquées par la 1ère armée allemande au Cateau-Cambrésis, la 5e armée française reçoit l’ordre du général Joffre, commandant en chef des armées françaises, de rompre le contact avec les forces allemandes qui lui font face, et de se replier sur le Laonnois. Préparant ce mouvement, le général Lanrezac ordonne donc immédiatement à ses troupes qui font alors mouvement à travers la Thiérache de se diriger vers la vallée de l’Oise, où des arrière-gardes seront laissées tandis que l’ensemble des troupes se replieront vers le sud.
Néanmoins, le général Lanrezac est conscient qu’après avoir quitté le bocage de la Thiérache, la 5e armée va désormais évoluer sur de larges plateaux découverts entre les vallées de l’Oise et de la Serre, plus propices à la manœuvre, et où une bataille d’arrêt peut être livrée face à la 2e armée allemande qui la poursuit depuis la Belgique. Il fait part de sa volonté au général Joffre dès le 25 août, et ce dernier lui répond deux jours plus tard, que non seulement il autorise l’offensive projetée par la 5e armée dans la région de Vervins, mais encore qu’il estime cette attaque indispensable. Par conséquent, le 27 août dans la soirée, le général Lanrezac ordonne à ses quatre corps d’armées d’occuper les plateaux qui dominent le sud de l’Oise et du Ton en vue de l’affrontement, mais un nouveau message du Grand Quartier Général des armées françaises (GQG) va tout venir bouleverser.
Persuadé que la 2e armée allemande qui fait face à la 5e armée française ne représente pas une menace, et que l’état-major allemand a sans doute laissé deux corps d’armée devant Maubeuge assiégée, l’état-major du général Joffre considère au soir du 27 août qu’il est plus pertinent que la 5e armée français lance une offensive en direction de Saint-Quentin vers l’Ouest, afin de combattre les arrières de la 1ère armée allemande, qui fait reculer depuis plusieurs jours le Corps expéditionnaire britannique, et ainsi soulager la retraite de ce dernier. Les directives du général Joffre sont audacieuses, car un succès face à deux armées allemandes attirées par cette menace et contraintes d’y faire face pourrait ralentir voire compromettre l’ensemble des plans allemands. Par ailleurs, la 5e armée devrait progresser sans soutien sur sa gauche, puisque le maréchal French annonce rapidement au général Lanrezac que les troupes anglaises ont besoin de repos et ne prendront pas part à l'attaque.
Les ordres reçus du général Joffre indiquant d’attaquer en direction de l’Ouest alors que toutes les dispositions pour attaquer au Nord étaient déjà prises sont pour le moins difficiles à mettre en place en 24 heures, mais le 28 août, le général Lanrezac ordonne au 18e corps d’armée de se préparer à attaquer en direction de Saint-Quentin, tandis que le 3e corps d’armée devra l’épauler sur sa droite. Ainsi, malgré les ordres reçus d’engager toutes les forces disponibles en direction de Saint-Quentin, le général Lanrezac, lucide sur les forces allemandes qui vont lui faire face dans la vallée de l’Oise en amont de Guise, décide délibérément de laisser le 1er et le 10e corps d’armée sur leurs emplacements, tout en obéissant aux ordres qu’il reçoit.
Mais entre 12h et 13h, alors que le 18e corps d’armée fait mouvement pour s’installer vers l’Ouest en vue de marcher sur Saint-Quentin le lendemain, profitant du brouillard, des colonnes allemandes attaquent Guise et les passages sur l’Oise à l’Est de la ville à Flavigny-le-Grand, Monceau-sur-Oise et Proisy, bousculant les unités françaises qui en avaient la garde. Le général commandant la 35e division d’infanterie – qui fait partie du 18e corps d’armée – décide immédiatement, et sans ordres, de contre-attaquer les Hanovriens de la 19e division qui font face à ses troupes au sud de Guise, et qui progressent en direction de la route Guise-Le Hérie-la-Viéville. Rejoint par les gros des 3e et 10e corps d’armée qui se déploient alors entre Guise et Vervins, la situation peut être rétablie, mais en fin de journée, soucieux d’obéir au général Joffre malgré les évènements de l’après-midi, le général Lanrezac communique un nouvel ordre général aux unités de la 5e armée française pour les informer qu’une attaque sera lancée le lendemain en direction de Saint-Quentin, tandis que la 35e division d’infanterie reçoit l’ordre de rompre le combat et de se replier.
Le 29 août à l’aube, en exécution des ordres reçus, le 18e corps d’armée attaque en direction d’Homblières pour menacer la gauche de la 1ère armée allemande. La situation aux yeux du GQG est alors alarmante, car la 1ère armée allemande est signalée comme ayant déjà traversé la Somme près de Péronne. Après avoir franchi l’Oise à Ribemont et Séry-lès-Mézières à 6h du matin, des reconnaissances de cavalerie sont poussées sur la rive droite au nord et au sud de Saint-Quentin, afin de rechercher où se trouvent les troupes allemandes dans cette région.
Toutefois la situation évolue dans la matinée le 29 août : le 3e corps d’armée qui devait épauler la droite de l’attaque du 18e corps d’armée doit, comme depuis la veille au soir, faire face dès 10h45 aux troupes allemandes qui traversent l’Oise entre Guise et Autreppes à la faveur du brouillard, et ne parvient pas à progresser en même temps à l’Ouest pour soutenir le 18e corps d’armée. Par ailleurs, il apparaît très rapidement que dans la vallée de l’Oise ce ne sont pas quelques faibles éléments de la 2e armée allemande qui font face au 3e et au 10e corps d’armée français comme le GQG le pense, mais en réalité le 10e corps d’armée de réserve, le 10e corps d’armée et le redoutable Corps d’armée de la Garde prussienne.
La 5e armée française, si elle ne veut pas disparaître, va désormais devoir contre-attaquer les corps d’armée allemandes, et non plus attaquer en direction de Saint-Quentin. Par conséquent, déjà refoulé d’Itancourt par des éléments du 7e corps d’armée de la 1ère armée allemande et du 10e corps de réserve de la 2e armée allemande, et ne pouvant attaquer seul vers Saint-Quentin, le 18e corps d’armée se replie en fin d’après-midi et repasse l’Oise : la bataille va désormais se jouer entre Guise et Vervins.
Le 29 août 1914 en milieu de journée, la bataille qui avait commencé près de Guise la veille prend désormais une véritable ampleur. Le brouillard s’est levé et le 3e corps d’armée, qui fait face aux 10e corps et au 10e corps de réserve allemands, reçoit l’ordre de tenir coûte que coûte, tandis qu’à sa droite le 10e corps d’armée français doit également faire face au corps d’armée de la Garde à Colonfay et Sains-Richaumont. Entre 10h et 12h, le village de Le Sourd est ainsi pris et repris à trois reprises tandis que les canons de 75 mm de l’artillerie française et les tirs d’infanterie mettent à mal la 1ère division de la Garde prussienne qui progresse malgré tout sur Colonfay.
Le général Lanrezac décide dès 13h d’engager sa seule réserve, le 1er corps d’armée, qui doit s’intercaler entre le 3e et le 10e corps d’armée, ces trois corps rassemblés recevant l’ordre de rejeter dans l’Oise les forces allemandes. Pendant ce temps, à l’extrême-droite du dispositif français, la 51e division d’infanterie de réserve et la 4e division de cavalerie devront tenter d’attaquer le flanc gauche de l’armée allemande.
Durant toute l’après-midi, les combats sont des plus violents sous une chaleur toujours très dure. Afin d’apaiser leur soif, on voit même des soldats mâcher des feuilles de betteraves au milieu des champs où ils se battent. Face à la Garde prussienne, le 10e corps d’armée résiste, recule et s’accroche autour de Sains-Richaumont. Dès 15h, le 3e corps d’armée attaque en direction de Jonqueuse tandis que le 1er corps d’armée engage une division en direction d’Audigny et une autre division sur Colonfay aux côtés du 10e corps d’armée.
A 17h30, l’ensemble du 1er corps d’armée passe à la contre-offensive générale aux côtés des 3e et 10e corps d’armée, ce qui achève de contraindre les troupes allemandes à stopper leur offensive. Seule la tombée de la nuit arrête la progression des troupes françaises, qui tiennent le nord du bois de Bertaignemont, Clanlieu, Le Sourd, et ont repris à l’armée allemande Puisieux, Colonfay et Voulpaix.
Alors que le jour se couche sur la journée du 29 août, les soldats des deux camps sont éreintés et les états-majors français et allemands se proclament vainqueurs de part et d’autre. Dans les faits, les troupes de la 5e armée française ont enrayé l’offensive de la 2e armée allemande sur l’Oise, et le général Lanrezac, conscient de ce succès, ordonne pour le lendemain au 18e corps d’armée de tenir l’Oise de La Fère à Brissy-Hamégicourt, tandis que les autres corps d’armée devront achever de repousser les dernières troupes allemandes encore au sud de l’Oise.
Succès tactique et stratégique d’un jour, la bataille de Guise a certes permis de bloquer l’avance des armées allemandes, mais les troupes françaises restent en infériorité numérique et dès le 30 août, isolée sur l’Oise, la 5e armée française est cependant dans une situation périlleuse : face à elle la 2e armée allemande s’apprête à reprendre son effort vers le sud, mais elle peut désormais être soutenue à sa droite par la 1ère armée allemande qui, alertée par les combats de la veille, peut se rabattre en direction de Laon et interdire tout repli à la 5e armée française, même si cela doit fausser la manœuvre prévue par le haut-commandement de l’armée allemande.
A l’aube du 30 août, ayant reçu l’ordre du général Joffre de rompre le combat et de se replier sur la Serre, le général Lanrezac transmet donc de nouveaux ordres à ses unités alors que celles-ci, conformément aux ordres de la veille, commençaient déjà à reprendre l’offensive au lever du jour. Le 31 août dans la matinée, la 5e armée dans son intégralité était repliée derrière la Serre.
Malgré la fatigue des combats et des marches, les soldats français exécutèrent à nouveau un repli qui les mèneront quelques jours plus tard jusqu’à la bataille de la Marne puis aux contreforts du Chemin des Dames, où ces hommes allaient connaître la guerre des tranchées et les multiples batailles qui se joueront dans le département de l’Aisne jusqu’en 1918. Cela se fera cependant sans le général Lanrezac. Soupçonné de critiques envers le GQG et d’une mésentente profonde avec le maréchal French, il est relevé de son commandement le 3 septembre 1914 par le général Joffre, officiellement pour avoir été trop hésitant et indécis dans la conduite des opérations, et se voit remplacé par le général Franchet D’Esperey.
Le monument de la 5e armée française, souvent également nommé « Monument Lanrezac » en hommage au chef de cette unité, sera réalisé à l’initiative de la ville de Guise, et inauguré le 28 avril 1929 en présence de nombreuses personnalités militaires et politiques, dont Paul Doumer, alors président du Sénat, le général Debeney, chef d’état-major général de l’armée française, représentant le ministre de la Guerre, et le général Hély d’Oissel, ancien chef d’état-major de la 5e armée, qui fit le récit de la bataille de Guise. Sur ce vaste mur, le général Lanrezac est mis à l’honneur ainsi que son état-major, en particulier car la mémoire de la bataille de Guise s’est construite en parallèle à l’œuvre de réhabilitation de la mémoire du général Lanrezac par ses proches.
Entre le 4 août et le 4 septembre 1914, 4 969 hommes sont « Morts pour la France » dans le département de l’Aisne, principalement au cours des combats de la bataille de Guise. Les pertes allemandes s’élevèrent quant à elles à près de 6 000 tués et blessés. Aujourd’hui, au-delà de la symbolique mémorielle rattachée à un homme, le général Lanrezac, il est aussi important de se souvenir des milliers de morts de cette bataille, quelle que soit leur nationalité, pour que ce monument de la 5e armée française, qui mentionne également les régiments qui constituaient la 5e armée française, soit un véritable lieu de mémoire de la bataille de Guise.
Comme une volonté de rassembler en paix les soldats tombés pour leurs pays, l’armée allemande entrepris de 1915 à 1916 d’offrir une sépulture aux morts de la bataille de Guise, et les combattants français et allemands qui tombèrent au cours des combats du 28 au 30 août 1914 reposent aujourd’hui dans les cimetières militaires de la Désolation à Flavigny-le-Petit, de Mennevret, d’Origny-Sainte-Benoîte ou encore à la nécropole militaire de Lemé-Le Sourd, inscrite depuis 2023 au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Dans le cadre des commémorations du 110e anniversaire de la Première Guerre mondiale, afin de valoriser cette histoire et mettre en lumière ce monument qui honore les hommes de la 5e armée française qui ont combattu en août 1914 dans l’Aisne, une borne du réseau départemental « Aisne Terre de Mémoire » a été inaugurée en ce lieu le 1er septembre 2024.
Publié le 23 aoû 2024 - Mis à jour le
Encore sous le choc de la confrontation avec les armées allemandes sur les frontières, les armées françaises sont en pleine retraite alors que s’achève le mois d’août 1914.
Repliée dans l’Aisne, la 5e armée du général Lanrezac tente de faire face à la 2e armée allemande près de Guise avant de se replier couverte par les régiments du sud-ouest, dont le 144e régiment d’infanterie (RI) qui est sévèrement éprouvé près de Ribemont.
Au cœur de l’été 1914, les armées françaises tentent de faire face aux armées allemandes qui appliquent le plan Schlieffen à travers la Belgique et le nord de la France. Confrontées à Charleroi et Mons à la 1ère armée allemande du général von Kluck et à la 2e armée allemande du général von Bülow, la 5e armée française du général Lanrezac et le corps expéditionnaire britannique du maréchal French, qui forment l’aile gauche des forces alliées, ont été contraintes de se replier vers le sud sous une chaleur accablante. Isolée sur l’Oise, la 5e armée reçoit cependant l’ordre du général Joffre de lancer une offensive en direction de Saint-Quentin tout en livrant bataille sur l’Oise afin de permettre au corps expéditionnaire britannique de se replier en bon ordre vers Noyon. Ainsi les plans allemands seraient ralentis voire compromis, et les forces allemandes du secteur seraient attirées par cette menace et contraintes d’y faire face.
Au cœur de ce plan de bataille, un groupe d’hommes va retenir notre attention : ceux du 144e RI. Ce régiment, parti de la gare de Bordeaux-Bastide sous les ovations des Bordelais dans la soirée du 5 août 1914, était entré en Belgique le 22 août. Parmi eux la 4e compagnie du 1er bataillon, commandée par le capitaine Charles de Menditte, qui allait être au cœur des combats à Ribemont le 30 août, connut le baptême du feu et ses premiers morts au sud de Lobbes du 20 au 24 août 1914, sur les bords de la Sambre, puis le repli vers la France sous les tirs de l’artillerie allemande, jusqu’à atteindre Le Hérie-la-Viéville dans l’Aisne dans la soirée du 28 août 1914.
A l’aube du 29 août, alors que les autres corps d’armée composant la 5e armée française doivent faire face à la 2e armée allemande au nord, le 18e corps d’armée (CA) et en particulier la 35e division d’infanterie (DI) auquel appartient le 144e RI, a pour mission d’attaquer la 1ère armée allemande signalée vers Saint-Quentin. Après avoir franchi l’Oise à Ribemont et Séry-lès-Mézières à 6h du matin, des reconnaissances de cavalerie sont poussées sur la rive droite au nord et au sud de Saint-Quentin, afin de rechercher où se trouvent les troupes allemandes dans cette région. Eprouvée par sa participation aux combats de la veille et arrivée très tard dans la soirée du 28 août, la 35e division d’infanterie du général Exelmans se tient néanmoins prête dans le vallonnement entre Parpeville et la ferme Torcy à l’aube du 29 août, puis est placée en réserve près de Ribemont à 10h25.
Toutefois la situation évolue dans la matinée du 29 août : la 2e armée allemande a traversé l’Oise dans le secteur de Guise et la mission principale de la 5e armée est désormais de la repousser, non plus d’attaquer en direction de Saint-Quentin. Par conséquent, ne pouvant attaquer seul vers Saint-Quentin, le 18e CA se replie en fin d’après-midi et repasse l’Oise, tandis que la 35e DI est maintenue en réserve afin d’aider le reste de l’armée à faire face. Dès 14h, le 144e RI reçoit ainsi l’ordre de protéger l’artillerie de la 35e DI installée à la ferme Séru, tandis qu’un bataillon est envoyé en direction d’Origny-Sainte-Benoîte.
Toute la journée, les hommes du 144e RI écoutent ainsi les bruits de la bataille qui se joue sur la rive droite de l’Oise, avant d’aller cantonner à Pleine-Selve dans la soirée. A la fin de journée du 29 août, la 2e armée allemande s’est vue en grande partie contrainte au repli au nord de l’Oise et la bataille de Guise a comme prévu permis de ralentir sa progression, créant un contexte stratégique favorable à ce qui sera la bataille de la Marne, mais les troupes de la 5e armée sont éreintées.
Succès tactique d’un jour, la bataille de Guise a certes permis de bloquer l’avancée des armées allemandes, mais les troupes françaises restent en infériorité numérique et dès le 30 août, toujours isolée sur l’Oise, la 5e armée française est dans une situation périlleuse : face à elle la 2e armée allemande s’apprête à reprendre son effort vers le sud, mais elle peut désormais être soutenue à sa droite par la 1ère armée allemande qui, alertée par les combats de la veille, peut se rabattre en direction de Laon et interdire tout repli à la 5e armée française, même si cela doit fausser la manœuvre prévue par le haut-commandement de l’armée allemande. Dans la nuit du 29 au 30 août, le général Lanrezac prévoit alors que durant la journée du 30 août, les 1er, 3e et 10e corps d’armée devront achever de rejeter la 2e armée allemande sur la rive droite de l’Oise, tandis que le 18e CA devra à tout prix tenir la rive gauche face à la 1ère armée allemande à l’ouest.
A 6h25, le 144e RI porte un bataillon sur la Cote 140 face à Origny-Sainte-Benoîte et deux bataillons au sud-est de la ferme Séru, tandis que toute la 35e DI s’apprête à faire mouvement vers l’avant. Mais ces ordres sont vite abandonnés car à 7h du matin, le général Joffre ordonne à la 5e armée de se replier, jugeant la situation trop périlleuse. En conséquence la 35e DI revient sur ses positions de départ en vue de préparer le repli de l’armée. Seule unité reposée et capable de former l'arrière-garde du 18e CA éprouvé par les marches et les combats de la veille, la 35e DI va donc devoir faire face, et c’est ainsi que le 144e RI va se trouver dans la position peu enviable de devoir tenir la Cote 140 durant la journée du 30 août.
Positionné depuis le début de la matinée en soutien d’un groupe de canons de 75 mm du 24e régiment d’artillerie à la ferme Séru, la 4e compagnie du 144e RI du capitaine de Menditte attend durant une partie de la matinée d’être engagée. Elle ignore alors qu’entre 10h et 11h, les troupes allemandes ont réussi, malgré les barricades et les tirs de l’artillerie française, à prendre d’assaut les ponts sur l’Oise qui n’avaient pas été détruits, menaçant directement le 18e CA et le repli de toute la 5e armée. A Origny-Sainte-Benoîte, en particulier, les Westphaliens de la 13. Infanterie-division du général vom dem Borne réussissent à prendre le village dans la matinée, tandis que la 13. Feldartillerie-brigade ouvre le feu depuis les hauteurs de Thenelles sur l’artillerie française située au sud-est d’Origny-Sainte-Benoîte, et par voie de conséquence sur les fantassins qui en assurent la protection rapprochée.
Ainsi, il est 11h quand le capitaine de Menditte et ses hommes reçoivent leur première salve d’obus à balles, sans doute envoyés par les canons de 7,7 cm du 2e groupe du Feldartillerie-regiment Nr. 22 ou du 1er groupe du Feldartillerie-regiment Nr. 58 qui leur font face. Le témoignage du capitaine de Menditte permet alors de se représenter l’intensité des tirs que ses hommes et lui subissent alors de la part des artilleurs westphaliens :
« J’étais avec Maigret au centre du dispositif, face au village de Lucy quand je fus rejoint par le colonel Dunal commandant le 24e d’Artillerie, qui venait contrôler mes dispositions. Nous causions à peine depuis une minute quand 6 coups de canon partirent derrière la crête dominant Lucy et 6 obus frappèrent le sol autour de nous. L’un d’eux passa tellement près de ma tête que mon képi fut emporté par le vent du projectile et que je fus renversé. Par miracle, personne ne fut atteint, le colonel et ses compagnons disparurent à bonne allure derrière la crête et je restai seul sur le terrain après avoir ramassé mon képi. Il était 11 heures quand cette salve arriva, cela nous promettait de l’agrément. Quelques instants après, les shrapnels commencèrent à tomber sur les groupes que j’avais placés. Le plus exposé était celui de Maigret, il ne broncha pas. Il n’en fut pas de même de certains autres qui reculèrent sans ordre et plus loin que ne le commandait la situation et le devoir militaire. J’allai les chercher pour les ramener et fus plutôt sec à l’égard des gradés qui les commandaient. Revenu à mon poste d’observation, j’aperçus à la lorgnette des mouvements de troupe dans la vallée. Les Allemands la traversaient et je vis passer successivement un bataillon d’infanterie, une compagnie de mitrailleuses et une batterie d’Artillerie. »
Aidés dans leurs tirs par une observation aérienne très active, les artilleurs allemands sont alors d’une redoutable efficacité, et elle ne fait que se renforcer quand le 1er groupe d’artillerie du Feldartillerie-regiment Nr. 22, après avoir traversé Origny-Sainte-Benoîte au trot, vient mettre ses pièces en batterie sur les hauteurs entre Origny-Sainte-Benoîte et la ferme de Courjumelles. Conjugués aux tirs des canons installés sur les hauteurs de Thenelles au nord-ouest de Lucy, c’est un tir croisé que les artilleurs westphaliens vont désormais offrir aux fantassins bordelais qui s’accrochent au terrain sous une chaleur harassante, ainsi que le témoigne le capitaine de Menditte dans ses carnets :
« A moins de 1 400 mètres, une batterie allemande se disposait à dételer. Sous une pluie de shrapnels, je déployai mes hommes et leur fis ouvrir le feu sur les Allemands, quelques chevaux tombèrent mais je ne pus empêcher la mise en batterie et au bout d’un instant, je voyais à la lorgnette les 6 trous noirs des 6 pièces braquées sur nous. […] Les hommes apeurés s’étaient tassés comme des moutons craignant l’orage. Aussi quand ils franchirent la crête, ils eurent de cruelles pertes et, affolés, vinrent se dissimuler derrière un mince taillis qui n’avait pas 25 mètres de côté mais qui offrait à l’ennemi un superbe point de repère pour régler son tir. J’essayai de faire sortir mes hommes de ce couvert que je sentais fatal, mes efforts furent vains. Eperdus, ils se coulèrent à plat ventre dans le taillis, se croyant sain et sauf parce qu’ils ne voyaient plus l’ennemi. Une trombe de fer et de feu s’abattit sur nous, deux batteries croisaient leur feu et l’effet de ces 12 canons à tir rapide fut terrifiant. Les obus arrivaient en rugissant, nous couvrant de balles, d’éclats, de terre, de débris de toutes sortes, ils fouillaient le boqueteau, brisant les arbres, coupant les membres et défonçant les poitrines des malheureux qui y étaient cachés. Le bruit formidable des explosions ne tarda pas à être couvert par les cris affreux des malheureux mutilés qui dressaient vers le ciel leurs moignons sanglants. »
Plusieurs bataillons français reculent alors vers Villers-le-Sec où ils s’accrochent au terrain toute la journée tandis que seul avec une poignée de survivants, le capitaine de Menditte s’accroche à la Cote 140, y laissant à la fin de journée 62 tués et blessés avant de se replier. Devant tenir pour permettre le repli des autres corps d’armée, les hommes du 18e CA se sont trouvés aux prises avec un corps d’armée allemand durant toute l’après-midi du 30 août, avant de se replier vers La Ferté-Chevresis. Dans la soirée, le général Lanrezac fera savoir à toutes ses troupes qu’elles doivent se retirer au sud de la Serre, un repli qui allait continuer ainsi jusqu’à la bataille de la Marne, et le 144e RI allait ensuite connaître les tranchées du Chemin de Dames…
Sur la Cote 140 dominant la vallée de l’Oise, aucun monument ni aucune plaque n’était là pour rappeler le drame qui s’était passé le 30 août 1914 pour les fantassins du 144e RI qui tombèrent sous les obus allemands. Le souvenir de ce combat meurtrier est resté méconnu dans toute la région. Si les soldats westphaliens de la 13. Infanterie-division qui furent tués le 30 août sont enterrés encore aujourd’hui dans le cimetière militaire allemand d’Origny-Sainte-Benoîte, les jeunes Poilus de la 4e compagnie du 144e RI "Morts pour la France" ce jour-là, ne figurent sur aucun monument, ni dans les registres des nécropoles de la région. La terre de la Cote 140 rend toujours régulièrement des éclats d’obus, des balles, mais les corps ont disparu à jamais. Ces soldats, morts pour la France lors des combats des 29 et 30 août 1914, avaient des noms, des familles, un métier, ils s’appelaient :
Afin d’honorer leur mémoire, c’était un devoir pour les élèves du collège Antoine Nicolas de Condorcet de rappeler le souvenir de ces soldats disparus il y a cent ans sans laisser de trace, en exauçant ce vœu du capitaine Charles de Menditte écrit dans ses carnets : « Je voudrais voir s’élever une grande croix dressant vers le ciel ses deux bras étendus. Cet emblème de la douleur et du sacrifice serait vraiment à sa place sur cette crête où mes hommes ont été fauchés comme le blé mûr ».
C’est ainsi que les élèves de 3B de 2014/2015 ont réalisé un projet appelé « L'Œil du Tigre » pour le Centenaire de la 1ère Guerre mondiale. Ce projet d’œuvre mémorielle avait pour but de rendre hommage aux 62 soldats du 144e régiment d'infanterie venus de Bordeaux qui furent tués ou blessés lors du combat du 30 août 1914 sur la Cote 140. D’après leurs dessins, Monsieur Etienne Noël a réalisé ce monument pour rappeler le sacrifice de ces valeureux soldats. Pour leur rendre hommage et ne pas les oublier, les ramener à la lumière et leur offrir un lieu de recueillement, les Tigres ont souhaité que chaque année, le 2e vendredi de juin, une cérémonie soit organisée sur la Cote 140. Certains élèves de 3e, 4e, 5e et 6e y ont déjà participé par le collège ou l’école Padieu de Ribemont, et cette implication mémorielle continue aujourd’hui.
Dans le cadre des commémorations du 110e anniversaire de la Première Guerre mondiale, afin de valoriser cette histoire et mettre en lumière cette œuvre mémorielle portée par ces collégiens, une borne du réseau départemental « Aisne Terre de Mémoire » a été inaugurée en ce lieu le 14 juin 2024 à l’occasion du 10e anniversaire du projet « L’Œil du Tigre ».
Publié le 18 juil 2024 - Mis à jour le
Au printemps 1918 la situation sur le front occidental est difficile pour les armées alliées, qui voient l’armée allemande, renforcée par des divisions d’infanterie libérées du front de l’Est après le traité de Brest-Litovsk, mener de nouvelles offensives. Les Alliés vont devoir stopper ces offensives et rassembler des forces pour contre-attaquer et infliger une défaite décisive à l’Empire Allemand.
L’Aisne n’est pas épargné par la série d’offensives lancées par l’Empire Allemand : violemment bousculée par l’offensive allemande du 27 mai 1918 lancée par la VIIe armée allemande du général von Bœhn, la 6e armée française du général Duchêne est décimée sur le Chemin des Dames et la vallée de l’Aisne par 42 divisions allemandes.
Offensive à objectifs limités destinée à user et épuiser les forces alliées dans le sud pour avoir les mains libres dans le nord, le succès de cette attaque incite néanmoins le haut-commandement allemand à exploiter cette percée, ce qui contraint les troupes françaises au repli. Soissons tombe le 28 mai et pour éviter que la poche qui s’est créée dans le sud de l’Aisne ne s’élargisse, le général Foch, général en chef des armées alliées sur le front occidental, décide d’envoyer la 10e armée française du général Maistre dans la région de Villers-Cotterêts et la 5e armée française du général Micheler dans la région de Reims, cette dernière renforcée par le 2e corps d’armée italien.
Pendant ce temps, les armées allemandes continuent leur progression et atteignent la Marne le 30 mai, entrant dans Château-Thierry le 1er juin. Il faut attendre le début du mois de juin pour que les 2e et 3e division d’infanterie américaines les empêchent de franchir la Marne et lancent des contre-attaques locales. Durant tout le mois de juin, les attaques des divisions allemandes sont contenues tandis qu’une nouvelle offensive allemande se prépare. Le 15 juillet, l’armée allemande lance en effet son offensive du « Friedensturm » ou bataille pour la Paix, destinée à menacer Paris une nouvelle fois en attaquant les vallées de l’Aisne et de la Marne de manière frontale. Dès les premières heures la Marne est franchie et ce n’est qu’avec peine que l’attaque est enrayée entre Celles-lès-Condé, La Chapelle-Monthodon et Igny-Comblizy dans la Marne, empêchant l’armée allemande de prendre Epernay à revers.
Alors que les armées allemandes tentent encore de lancer des offensives destinées à ébranler le front allié, le général Foch donne l’ordre le 12 juillet aux armées françaises du secteur de se préparer à prendre l’offensive sur la poche qui s’est constituée jusque Château-Thierry. Pendant que la 4e armée du général Gouraud et la 5e armée désormais commandée par le général Berthelot devront tenir en Champagne et entre la Marne et Reims, les 10e et 6e armées se renforcent en toute discrétion entre l’Aisne et l’Ourcq en l’espace de trois nuits. Dans l’optique de cette contre-offensive le commandement est lui-même modifié : le général Mangin remplace le général Maistre à la tête de la 10e armée, et le général Degoutte est placé à la tête de la 6e armée en remplacement du général Duchêne, limogé pour ses erreurs commises le 27 mai 1918 sur l’Aisne.
En quelques jours, quatre corps d’armées renforcés de deux divisions d’infanterie américaines et une écossaise viennent composer la 6e armée du général Mangin tandis que la 5e armée du général Degoutte aligne deux corps d’armées et deux divisions d’infanterie américaines. Au total vingt-et-une divisions sont rassemblées par le haut commandant allié en vue de la contre-offensive, dont l’objectif est clairement défini par le général Foch : atteindre la voie ferrée de Fère-en-Tardenois, la seule artère qui assure le ravitaillement des centaines de milliers de combattants allemands avancés dans la poche de Château-Thierry.
Le 18 juillet 1918 à 4h35 du matin, 2 100 canons des 10e et 6e armées françaises ouvrent le feu sur les lignes de la VIIe armée allemande tenues par douze divisions sur un front de 45 km. Déployés pour la première fois sur le champ de bataille, des centaines de chars Renault soutiennent l’action de l’infanterie qui s’élance à l’assaut du flanc ouest du front allemand. Au nord, les troupes françaises progressent sur Audignicourt et Blérancourt tandis que le 1er corps d’armée bouscule les forces allemandes depuis Nouvron-Vingré jusqu’à Missy-aux-Bois, de part et d’autre de l’Aisne. De son côté, le 20e corps d’armée progresse sur Chaudun puis Sermoise. Enfin, le 30e corps d’armée s’élance de la forêt de Retz et repousse les troupes allemandes vers Saint-Pierre-Aigle puis Longpont tandis que sur sa droite le 11e corps d’armée remonte la vallée de l’Ourcq. Au sud de l’Ourcq, la 6e armée atteint quant à elle les abords ouest de Neuilly-Saint-Front, Courchamps, Licy-Clignon, Givry et Belleau.
En une journée, les divisions alliées ont remporté un succès considérable et les éléments les plus avancés de la 10e armée ont progressé de 9 kilomètres tandis que ceux de la 6e armée sont à 5 kilomètres de leur point de départ. La surprise est totale et le succès des troupes alliées oblige le haut-commandement allemand à envoyer en urgence six nouvelles divisions pour relever ses troupes épuisées, et commence à envisager un repli.
Il importe désormais d’exploiter la percée dans le Soissonnais et le Tardenois, ce qui est entrepris dès le 19 juillet, les forces alliées relançant leurs efforts en direction de Fère-en-Tardenois afin d’isoler un maximum de divisions allemandes dans le saillant de Château-Thierry. Le 19 juillet dès 4h du matin, l’infanterie alliée et les chars d’assaut s’élancent de nouveau tandis que la VIIe armée allemande jette dans la bataille ses dernières réserves dans le secteur pour se cramponner au terrain afin ne pas être prise à revers par les alliés. La tactique de l’armée allemande consiste alors à ralentir l’avancée des troupes alliées en se repliant de manière échelonnée, tout en laissant des arrière-gardes fortement dotées en mitrailleuses, afin de toujours offrir un obstacle à leurs adversaires contraints de progresser à découvert.
Toutefois l’effort des alliés ne faiblit pas, et la 10e armée du général Mangin atteint Courmelles, les abords ouest de Villemontoire, Parcy-Tigny, l’ouest du Plessier-Huleu, Rozet-Saint-Albin, tandis que la 6e armée du général Degoutte enlève Neuilly-Saint-Front, les hauteurs au nord-est de Courchamps et dépasse la ligne Priez-Givry. Face au succès de l’avance alliée, les états-majors des armées françaises espèrent même à plusieurs reprises pouvoir faire déboucher les divisions de cavalerie maintenues en réserve afin d’exploiter une percée et agir sur les arrières des armées allemandes, mais ils ne parviendront pas à le faire. Néanmoins, en deux jours, environ 17 000 prisonniers et 360 canons allemands sont capturés tandis que l’aviation alliée, omniprésente, abat 137 avions, incendie 23 drachens, et lance 123 tonnes de projectiles de jour et 86 tonnes de nuit.
L’objectif des alliés, la voie ferrée de Fère-en-Tardenois, n’est certes pas atteinte, mais elle est à portée de tir de l’artillerie française, ce qui suffit à contraindre la VIIe armée allemande au repli : dans la nuit du 19 au 20 juillet, l’armée allemande repasse la Marne et s’établit sur les hauteurs de la rive nord. Face à la menace grandissante de voir le front s’effondrer, le haut commandement allemand déploie également une nouvelle armée face aux 10e et 6e armées sur le flanc ouest de la poche de Château-Thierry, la IXe armée du général von Eben. Toutefois si le dispositif défensif allemand est réorganisé, il est nécessaire de raccourcir le front. Dans la nuit du 20 au 21 juillet, Château-Thierry est ainsi évacuée par les troupes allemandes tandis que le 21 juillet au soir, la 6e armée du général Degoutte atteint les abords ouest de Mont-Saint-Père, Bézu-Saint-Germain et Brécy. Au sud enfin, le 1er corps d’armée américain traverse la Marne et repousse les forces les plus avancées de l’armée allemande.
Pour le haut commandement allié, après quatre années de guerre de position, le moment est venu de « quitter la défensive imposée par l’infériorité numérique et de passer à l’offensive » ainsi que le déclare alors le général Foch : un tournant dans la guerre est désormais atteint. S’appuyant sur la capacité des alliés à faire tourner les divisions pour sans cesse faire monter au front des troupes fraîches, l’offensive alliée est sans cesse relancée, avec toujours pour objectif de prendre de vitesse les troupes allemandes en attaquant sans relâche leurs positions dans le Tardenois.
Le 24 juillet, tandis que le 1er corps d’armée continue son effort sur la montagne de Paris et les plateaux au sud de Vauxbuin, le 20e corps continue vers Villemontoire et Tigny et progresse jusqu’aux abords de Buzancy le lendemain. Le 30e corps relance quant à lui ses attaques sur le plateau au nord de Beugneux tandis que le 11e corps libère Oulchy-le-Château mais est bloqué devant les mitrailleuses allemandes installées sur la butte Chalmont.
Le 26 au soir, et le 27, sous la pression franco-américaine qui menace Fère-en-Tardenois, nœud vital de communications, l’armée allemande décide de marquer à nouveau un mouvement de repli vers le nord, et reporte son front entre l’Ardre et l’Ourcq, laissant le champ libre à la 5e armée française qui lance ses escadrons de cavalerie à sa poursuite tandis que son infanterie reprend Villeneuve-sur-Fère, Fresnes-en-Tardenois et progresse au nord de Châtillon-sur-Marne. Devant le repli allemand, les ordres du commandement allié sont clairs : récolter les fruits de la contre-attaque lancée le 18 juillet et aller de l’avant, quelle que soit la fatigue des troupes, et empêcher l’armée allemande de se rétablir sur les plateaux au nord de l’Ourcq.
Le 28 juillet dans la matinée, le 11e corps prend la Butte Chalmont pendant que la 6e armée atteint l’Ourcq sur tout son front et la traverse. Fère-en-Tardenois est ainsi libérée par les hommes de la 62e division d’infanterie tandis que plus au sud les Américains de la 42e division ont davantage de difficultés. A la fin de la journée du 28 juillet, les éléments les plus avancés des troupes alliées tiennent les abords de Buzancy et ont atteint les lisières ouest de Tigny, la gare de Grand-Rozoy, et l’Ourcq jusqu’à Ronchères. La Marne était dégagée, et la voie ferrée Paris-Châlons-Nancy rétablie.
Ce premier succès n’est cependant qu’une étape, car il faut désormais, malgré la fatigue des troupes, enlever les plateaux du Tardenois et empêcher l’armée allemande de se replier sans pertes sur l’Aisne et la Vesle. Le 30 juillet, la 6e armée teste les positions allemandes sur tout son front mais se heurte à une vive résistance et la journée se passe surtout à récupérer de la fatigue des jours précédents.
Après avoir repris l’offensive avec succès et contraint l’armée allemande au repli, les armées alliées doivent cependant continuer leur effort, et reprendre des positions susceptibles de favoriser le développement de nouvelles offensives, c’est pourquoi le haut commandement insiste pour qu’aucun répit ne soit laissé à leurs adversaires. Le 1er août à 4h45, la 10e armée relance donc son attaque et s’élance depuis le bois de Saint-Jean au nord de Grand-Rozoy jusque Servenay sur les positions allemandes, et réussit à progresser malgré une vive résistance de l’infanterie allemande soutenue par une aviation très présente.
Ce nouveau bond vers l’avant achève de convaincre le commandement allemand qu’un nouveau repli est nécessaire. A l’aube du 2 août, les avant-postes de la 10e armée trouvent inoccupées les positions allemandes qui leur font face, et ordre est donné d’avancer vers la vallée de la Crise. Le 20e corps d’armée libère Tigny et Hartennes et l’ensemble des forces alliées progressent, les troupes de la 11e division d’infanterie pénétrant dans Soissons dans la journée. Peu à peu la ligne de front se fixe à nouveau dans la soirée lorsque les troupes françaises arrivent à Sermoise ainsi que sur la rive sud de la Vesle à Ciry-Salsogne, Courcelles, Ville-Savoye et Fismes. De son coté la 6e armée atteint Loupeigne, Mareuil-en-Dôle et Cohan.
Au soir du 3 août 1918, il ne fait aucun doute que les troupes allemandes sont désormais déterminées à s’accrocher au terrain qu’elles ont préparé en amont, leur artillerie interdisant tout passage de la Vesle. En conséquence, la décision est prise de ne plus poursuivre l’offensive. En deux semaines, les 10e, 6e, 5e et 4e armées qui avaient participé à cette bataille avaient capturé 609 officiers et 26 413 hommes de troupes, les unités américaines avaient quant à elles fait prisonniers environ 8 000 hommes et les Britanniques environ 1 600. La seconde bataille de la Marne était achevée : les Alliés et leur chef, général Foch, promu maréchal de France le 6 août, avaient su faire face aux offensives allemandes dans le sud de l’Aisne et contre-attaquer, infligeant une sérieuse défaite à leur adversaire et accomplissant la première étape vers une offensive finale qui contraindrait l’Empire Allemand à demander l’armistice.
Commandé par l’Etat au sculpteur Paul Landowski en juillet 1926, le monument national de la Seconde Bataille de la Marne est classé monument historique le 31 juillet 1934, et inauguré le 21 juillet 1935 par le président Albert Lebrun. Ce monument en granit se décompose en plusieurs ensembles que l’on découvre en gravissant le site. La statue de la France, non loin de la route, symbolise l’espoir et la victoire, avec son bouclier protecteur sur lequel figurent des personnifications de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité. Les quatre marches au centre de la butte Chalmont symbolisent ensuite les quatre années de guerre que les combattants ont traversées avant d’atteindre l’ensemble des Fantômes. Ce dernier représente huit hommes, les yeux fermés, cherchant leurs camarades disparus : une jeune recrue, un sapeur, un mitrailleur, un grenadier, un soldat colonial, un fantassin, un aviateur, et un jeune homme nu symbolisant le spectre de la mort sortant de son linceul.
Alii nullo quaerente vultus severitate adsimulata patrimonia sua in inmensum extollunt, cultorum ut puta feracium multiplicantes annuos fructus, quae a primo ad ultimum solem se abunde iactitant possidere, ignorantes profecto maiores suos, per quos ita magnitudo Romana porrigitur, non divitiis eluxisse sed per bella saevissima, nec opibus nec victu nec indumentorum vilitate gregariis militibus discrepantes opposita cuncta superasse virtute.
Duplexque isdem diebus acciderat malum, quod et Theophilum insontem atrox interceperat casus, et Serenianus dignus exsecratione cunctorum, innoxius, modo non reclamante publico vigore, discessit.
Alii nullo quaerente vultus severitate adsimulata patrimonia sua in inmensum extollunt, cultorum ut puta feracium multiplicantes annuos fructus, quae a primo ad ultimum solem se abunde iactitant possidere, ignorantes profecto maiores suos, per quos ita magnitudo Romana porrigitur, non divitiis eluxisse sed per bella saevissima, nec opibus nec victu nec indumentorum vilitate gregariis militibus discrepantes opposita cuncta superasse virtute.
Duplexque isdem diebus acciderat malum, quod et Theophilum insontem atrox interceperat casus, et Serenianus dignus exsecratione cunctorum, innoxius, modo non reclamante publico vigore, discessit.
Publié le 04 nov 2024 - Mis à jour le
Under Første Verdenskrig tjente næsten 26.000 mand fra Nordslesvig, annekteret af Kongeriget Preussen i 1867, i den tyske kejserlige hær og mere end 6.000 mistede livet. De var "på trods af os" af Danmark. Dette område blev dansk igen i 1920, Kongeriget Danmark besluttede at samle disse mænds grave på den samme kirkegård, indviet den 15. juni 1924. Anerkendt for sin usædvanlige universelle værdi, er dette mindested inkluderet på verdensarven liste over UNESCO siden 20. september 2023. Denne kirkegård er en del af "Begravelses- og mindesteder for Første Verdenskrig (Vestfronten)". I dag huser den 80 mands grave og ærer alle de danskere, der faldt under den store krig på vestfronten.
Durant la Première Guerre mondiale, près de 26 000 hommes originaires du Slesvig du Nord servirent au sein de l’armée impériale allemande et plus de 6 000 y laissèrent la vie. Inauguré en 1924, le cimetière militaire danois de Braine rassemble les sépultures de 80 d’entre eux, et fait partie des sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2023.
L’histoire des hommes qui reposent dans le cimetière militaire danois de Braine est particulière, et se trouve liée à l’histoire du Danemark et de l’Allemagne. En 1864, au terme de la guerre des duchés, la Prusse et l’Autriche-Hongrie mettent la main sur les Duchés du Slesvig, du Holstein et de Lauenbourg par le traité de Vienne. Toutefois l’entente ne dure pas entre les vainqueurs du Danemark et après la guerre austro-prussienne de 1866, la Prusse annexe purement et simplement les trois duchés à son royaume, prémices à l’unité allemande qui s’achève par la proclamation de l’Empire allemand le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles.
Le 1er août 1914, après plus de quarante années de souveraineté prussienne, la Première Guerre mondiale éclate pour la population du Slesvig. Dans la soirée, l’ordre de mobilisation est diffusé et tous les hommes en âge d’être mobilisés reçoivent l’ordre de rejoindre les régiments stationnés dans l’ancien duché, en particulier l’Infanterie-Regiment Nr 84 caserné dans les villes de Haderslev et de Slesvig, et le Füsilier-Regiment Nr 86, caserné à Sønderborg et Flensbourg. Arrivés dans ces casernes, ils sont équipés d’uniformes de l’armée impériale allemande et sont affectés à ces régiments ou aux régiments de Réserve de ces unités (Reserve-Infanterie-Regiment Nr 84 et Reserve-Infanterie-Regiment Nr 86), ou encore de Landwehr, et la plupart partiront vers le front dans les jours qui suivent.
Les combattants du Slesvig du Nord vont dans leur grande majorité combattre durant la Première Guerre mondiale au sein de la 18. Division et de la 18. Reserve-Division, qui regroupent alors les régiments des anciens Duchés du Slesvig et du Holstein et leurs unités de réserve mobilisées. Ainsi, ceux de la 18. Division connaissent leur baptême du feu à Tirlemont en Belgique puis participent à la bataille de Mons au sein du 9e corps de la 1ère armée allemande du général von Kluck tandis que ceux de la 18. Reserve-Division combattent à Louvain et Malines.
Sous la chaleur du mois d’août 1914, les hommes de la 18. Division pénètrent en France et traversent le département de l’Aisne, franchissant la Somme près de Nesle le 30 août. A l’aile droite des armées allemandes dans le cadre du plan Schlieffen, le commandement allemand exige alors de ces soldats qu’ils effectuent de longues marches sous une chaleur accablante, si bien que le 31 août, l’Aisne est franchie à son tour en aval de Soissons, puis la Marne le 3 septembre.
Epuisés par quatre semaines de marche, manquant de pain et sans nouvelles de chez eux, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84 et du Füsilier-Regiment Nr 86 connaissent quelques heures de repos le 6 septembre mais sont rapidement engagés dans la bataille de la Marne, où ils subissent de lourdes pertes. Le 7 septembre, l’ordre de repli tombe. A marches forcées, ces hommes sont jetés dans la bataille de l’Ourcq pour couvrir le flanc de la 1ère armée allemande, avant de se replier à nouveau vers le nord, talonnés par les troupes britanniques.
Exténués, ils retraversent l’Aisne le 12 septembre et sous une pluie battante, les hommes du Füsilier-Regiment Nr 86 viennent creuser leurs tranchées dans l’épaisse boue des hauteurs au sud d’Audignicourt et de Vassens tandis que ceux de l’Infanterie-Regiment Nr 84 s’installent dans le secteur de la ferme Colombe dans l’Ouest du Chemin des Dames, marquant la fin de leur repli et le début de la guerre de position.
Les débuts de la guerre des tranchées voient les hommes de la 18. Reserve-Division tenir les tranchées dans le secteur de Roye-Noyon jusqu’en octobre 1915, tandis que ceux de la 18. Division tiennent celles de Moulin-sous-Touvent, de Dreslincourt puis celles devant la ferme de Quennevières jusqu’en 1915, en particulier ceux du Füsilier-Regiment Nr 86. En effet, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84 connaîtront quant à eux la neige et la pluie des tranchées d’Alsace, de Wattwiller et du Hartmannswillerkopf, tandis que d’autres seront engagés dans les combats au nord de Soissons.
Après une période de repos et d’entraînement à Guise en mars 1915, les Slesvigeois de l’Infanterie-Regiment Nr 84 connaîtront la guerre des mines en Champagne à Sommepy et Tahure entre avril et juillet 1915, avant de rejoindre la Pologne pour participer à l’offensive de la Narew contre la 1ère armée russe.
De retour en France en septembre 1915, ils relèvent leurs camarades du Füsilier-Regiment Nr 86 dans les tranchées de la ferme de Quennevières à Moulin-sous-Touvent jusqu’en janvier 1916, tandis que ces derniers sont embarqués à Tergnier le 14 octobre 1915 en direction de Vouziers. Ils y participeront à la prise de la ferme de Navarin en février 1916, avant de retrouver la vie des tranchées dans la craie de Champagne, tandis que leurs camarades de la 18. Reserve-Division seront redéployés en Artois jusqu’en juin 1916.
L’année 1916 les batailles de Verdun et de la Somme touchèrent durement les soldats slesvigeois. Ainsi, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84, après une période de repos et d’entraînement dans la vallée de la Serre et l’aménagement de tranchées dans l’Ouest du Chemin des Dames, sont engagés dans les combats de la cote 304 à Verdun à partir de mai 1916. Là-bas ils supportent les bombardements et les tranchées remplies d’eau de Malancourt, celles de Fleury-devant-Douaumont en septembre 1916, les combats à la grenade et la défense du secteur de Douaumont en octobre 1916.
Pendant ce temps, ceux du Füsilier-Regiment Nr 86 sont transférés en réserve dans la Somme suite à l’offensive franco-britannique du 1er juillet 1916. Ils y relèvent la 4. Garde-Division devant Belloy-en-Santerre au mois d’août avant d’occuper les tranchées de Miraumont dans la vallée de l’Ancre à la fin de l’année 1916, front que connaîtront aussi les réservistes de la 18. Reserve-Division.
Au début de l’année 1917, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84, après une période de repos, seront engagés dans le secteur de Thiaucourt jusqu’en avril 1917. Transférés en Champagne suite à l’offensive du Chemin des Dames, ils combattent notamment à Pignicourt en avril puis Sainte-Marie-à-Py de mai à juillet 1917 avant d’être placés en réserve près de Charleville-Mézières. Ceux du Füsilier-Regiment Nr 86 s’installeront quant à eux dans le secteur de Bullecourt au sud d’Arras jusqu’à l’opération Alberich, puis près de Douai en avril, et enfin dans le secteur d’Havrincourt au sud-est de Cambrai de mai à août 1917.
Suite au déclenchement de l’offensive alliée le 31 juillet 1917 autour d'Ypres, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84 et du Füsilier-Regiment Nr 86 sont engagés dans les Flandres, mais tandis que les premiers participent aux combats d’Havrincourt puis à la bataille de Cambrai d’août à novembre 1917 – de même que ceux de la 18. Reserve-Division –, les seconds sont transférés en septembre sur le front oriental à Vilnius (Lituanie).
Au début de l’année 1918 les Slesvigeois de l’Infanterie-Regiment Nr 84 et du Füsilier-Regiment Nr 86 combattent à nouveau ensemble en Alsace entre janvier et février 1918 puis s’entraînent dans la région de Dieuze avant de rejoindre à nouveau le secteur de Cambrai pour participer à l’offensive de mars 1918. En avril 1918, tandis que les réservistes de la 18. Reserve-Division sont engagés dans les combats d’Armentières, ceux de l’Infanterie-Regiment Nr 84 combattent dans la forêt de Moreuil et sur les rives de l’Avre où ils subissent de lourdes pertes. Après une période de repos, ils participeront aux combats au sud d’Albert en mai-juin 1918 puis seront engagés en juillet-août 1918 près de Margny-sur-Matz avant de se replier avec l’ensemble de l’armée impériale allemande.
De leur côté, les hommes du Füsilier-Regiment Nr 86 sont déployés fin juillet au sud de l’Aisne dans le sillage de la 7e armée allemande qui a percé au Chemin des Dames le 27 mai 1918, puis se replieront sur la Vesle. De manière générale, à la fin de l’été 1918, tout le front des armées allemandes s’effondre alors devant l’offensive alliée, et si les réservistes de la 18. Reserve-Division combattent en Flandres puis sur la ligne Siegfried entre Cambrai et Saint-Quentin, les hommes de l’Infanterie-Regiment Nr 84 combattent de leur côté non loin de là, à Vendhuile. Fin septembre 1918 ils affrontent les troupes américaines sur le canal de Saint-Quentin avant de se replier vers Le Cateau-Cambrésis. A la mi-octobre, ils retrouvent le Füsilier-Regiment Nr 86 pour défendre le canal de la Sambre à l’Oise avant de se replier vers Maubeuge jusqu’au cessez-le-feu du 11 novembre 1918.
Une fois le Rhin traversé, les hommes du Füsilier-Regiment Nr 86 arriveront à Sønderborg et Flensbourg les 24 et 25 décembre 1918 pour les fêtes de Noël, pour la plus grande joie de la population civile. 3 905 officiers et soldats de ce régiment avaient été tués en quatre ans. Ceux de l’Infanterie-Regiment Nr 84 ne regagneront leurs foyers que les 6 et 7 janvier 1919, et seront démobilisés le lendemain, le chiffre de leurs pertes n’est pas connu. Les hommes des Reserve-Infanterie-Regiment Nr 86 et Reserve-Infanterie-Regiment Nr 84 regagneront eux-aussi le Slesvig, ce dernier régiment ayant perdu 82 officiers, 305 sous-officiers et 2 426 hommes tout au long du conflit.
Les combattants originaires du Slesvig faits prisonniers par les Alliés furent dès le début du conflit, à l’initiative de l’universitaire Paul Verrier (1860-1938), identifiés comme devant bénéficier d’un régime de faveur et des camps spéciaux furent ouverts à Aurillac (Corrèze) et Feltham (Angleterre) afin qu’ils soient traités au même titre que les Alsaciens et Mosellans. A compter d’avril 1915, les soldats d’origine danoise furent accueillis à l’école Albert d’Aurillac puis dans l’ancienne résidence de l’évêque de Saint-Flour à Aurillac à partir de 1916. Cibles d’une germanisation forcée durant plusieurs années, ils purent entre autres disposer d’une bibliothèque dans ces camps, recevoir les journaux danois, suivre des cours d’histoire et de géographie. Ils pouvaient aller travailler dans les exploitations agricoles ou chez les artisans corréziens, et nombreux furent ceux qui furent employés aux travaux d’aménagement du parc Hélitas à Aurillac. Le 13 novembre 1918, les prisonniers slesvigeois rédigèrent une lettre au Gouvernement français afin d’exprimer leur attachement au Danemark, et ils purent regagner leur patrie en 1919.
A l’issue de la Première Guerre mondiale, des plébiscites sont organisés dans l’ancien Duché du Slesvig les 10 février (pour le futur Slesvig du nord) et 14 mars 1920 (pour le Slesvig central) pour déterminer la future frontière entre l’Allemagne et le Danemark. A l’issue du vote, le Slesvig du nord, majoritairement de langue danoise, fut réuni au Danemark et nommé officiellement « Jutland du Sud ». Au total, on estime que plus de 26 000 soldats originaires du Slesvig ont été mobilisés pour servir dans l’armée impériale allemande entre 1914 et 1918. Selon les recherches menées par les bénévoles et les historiens du Museum Sønderjylland dans le cadre du projet « Den Store Krig 1914-1918 » (https://denstorekrig1914-1918.dk), 6 665 d’entre eux sont morts ou portés disparus au cours du conflit et aujourd’hui encore, la plupart sont inhumés dans des cimetières militaires allemands.
En 1922, la France s’étant engagée à ce que toutes les tombes des soldats slesvigeois soient rassemblées, les dépouilles de combattants identifiés comme tels dans les cimetières allemands furent exhumées sous le contrôle du Comité franco-danois. Avec l’accord des familles, 79 corps provenant principalement de l’Aisne, de la Somme, de la Marne, de la Meuse, du Nord, du Pas-de-Calais mais aussi du cimetière militaire provisoire du camp de prisonniers d’Aurillac furent rassemblés à Braine, lieu choisi pour la création du nouveau cimetière militaire danois.
Inauguré le 15 juin 1924, le cimetière militaire danois de Braine s’apparente dans son aménagement aux cimetières construits au Danemark, et de la terre danoise fut d’ailleurs apportée pour renforcer la symbolique du lieu. Rendant davantage hommage aux hommes qu’aux soldats s’étant battus pour une Patrie qui n’était pas la leur, les stèles ne font pas référence aux grades ou aux unités militaires au sein desquelles ils ont combattu, et mettent l’accent sur le village d’origine de ces hommes. Au fond du cimetière se dressait à l’origine une croix en bois. Celle-ci sera remplacée par un monument en pierre du Danemark dessiné par l’architecte danois Oscar Gundlach-Pedersen (1886-1960) et inauguré le 7 mai 1934 en présence des gouvernements danois et français. On peut y lire l’inscription « Sacrificium Vitae, Patria Vita » ainsi que les armes danoises et slesvigeoises réunies sous une seule couronne, symbole de la réintégration de cette province dans le royaume de Danemark en 1920. Derrière ce monument, les murs du cimetière portent la liste des noms de 5 333 soldats du Slesvig recensés comme morts pendant la Première Guerre mondiale, gravées sur des plaques en verre.
Le 15 juin 2024, à l’occasion de la cérémonie commémorative du centenaire du cimetière militaire danois de Braine, le corps de Erik Petersen SKØTT, décédé à Verdun à l’âge de 21 ans, a été inhumé aux côtés de ses camarades, portant à 80 le nombre d’hommes originaires du Slesvig du Nord à reposer dans le cimetière de Braine, dont voici la liste :
Aujourd’hui, le cimetière militaire danois de Braine est placé sous la protection de la fondation du Slesvig au Danemark et de la Ville de Braine. C’est un lieu de recueillement unique en France mais aussi un lieu de mémoire pour la nation danoise et des cérémonies régulières s’y tiennent chaque année pour entretenir le souvenir des combattants danois. Ainsi le 15 juin 2013, à l’issue de sa réhabilitation, le cimetière a accueilli une cérémonie solennelle en présence du prince Joachim de Danemark, d’une importante délégation danoise et des autorités civiles et militaires françaises.
Reconnu pour sa valeur exceptionnelle, ce site d’une haute portée symbolique pour le Danemark et la France a été inscrit le 20 septembre 2023 sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO aux cotés de 138 autres « Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) ».
A l’occasion du premier anniversaire de l’inscription du cimetière danois de Braine sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. et du 110e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale, une borne du réseau départemental « Aisne Terre de Mémoire » a été inaugurée en ce lieu le 11 novembre 2024, afin de valoriser cette histoire et mettre en lumière ce cimetière et les soldats danois qui y reposent.
À l’initiative de la Région Hauts-de-France et de l’association Art & Jardins Hauts-de-France, des « Jardins de la Paix » aménagés par des artistes et paysagistes originaires des nations qui ont combattu pendant la Première Guerre mondiale ont vu le jour à proximité des hauts lieux de souvenir durant le Centenaire de la Première Guerre mondiale afin de souligner à la fois la dimension internationale du conflit et la force de la fraternité possible pour préserver un avenir de paix. Inspirées par les paysages danois et leur poésie, les paysagistes Elzelina Van Melle et Rikke Thiirmann Thomsen ont réalisé un jardin de la Paix danois intitulé « Border Land » en 2022 afin de rendre hommage aux plus de 26 000 Slesvigeois enrôlés dans l’armée impériale allemande durant la Première Guerre mondiale. Celui-ci jouxte le cimetière militaire danois de Braine, et fut inauguré le 11 novembre 2022 en présence de Son Altesse Royale le Prince Joachim du Danemark. On y trouve notamment un large peuplement de vivaces autour de la surface pavée centrale, qui fleurissent blanc et rouge tout au long du printemps et de l’été, rappelant les couleurs nationales danoises. Les briques qui composent la surface pavée proviennent du Jutland du Sud, chaque pierre représente le sacrifice des 6 490 soldats danois morts au combat pendant le conflit.