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1814 : la campagne de France

En 1814, le territoire axonais, après avoir été épargné pendant plus de deux siècles par les guerres, se trouve à nouveau envahi lorsque les armées russes et prussiennes de la sixième coalition pénètrent en France.

L’Empereur Napoléon Ier ayant rassemblé les quelques dizaines de milliers d’hommes qu’il lui reste, tente alors d’affronter les forces des coalisés en les isolant les unes des autres, axant sa stratégie sur la manœuvre et la rapidité d’action. Le département de l’Aisne voit alors évoluer sur son territoire des corps d’armée russes et prussiens qui ravagent ses communes, dont les noms sont désormais entrés dans l’Histoire pour les batailles qui y furent menées.

  • DHUYS ET MORIN-EN-BRIE

Publié le 22 aoû 2024 - Mis à jour le

11 février 1814, la bataille de Montmirail

Vaincu à Leipzig en octobre 1813 et contraint à la retraite vers le Rhin, Napoléon 1er doit faire face aux 400 000 soldats des armées coalisées qui convergent vers la France alors que l’hiver arrive. Ayant rassemblé avec peine les forces armées qu’il lui reste tandis que ses maréchaux ont pour mission de tenir des places fortes pour ralentir la progression des coalisés sur les frontières, l’Empereur des Français sait qu’il est en position de faiblesse, et veut tout faire pour tenter de rétablir la situation et sauver son trône.

Défendre un pays assailli de toutes parts

Alors que le temps manque pour reconstituer des forces, les armées coalisées russes, prussiennes, suédoises et autrichiennes sont décidées à ne pas perdre cet avantage, et malgré un hiver rigoureux, l’armée de Bohème du Feldmarschall Schwarzenberg pénètre en Alsace le 21 décembre 1813 tandis que l’armée de Silésie du Feldmarschall prussien von Blücher franchit le Rhin le 1er janvier à hauteur de Mannheim. Peu à peu, les troupes françaises qui leur font face se replient et à la fin du mois de janvier les avant-gardes des coalisés sont à environ 150 km de Paris.

Pour leur faire face, les troupes sur lesquelles Napoléon 1er peut compter sont malheureusement inexpérimentées, les « Marie-Louise » – conscrits levés en 1813 – sont mal équipées bien qu’épaulées par quelques anciens des campagnes napoléoniennes qui les encadrent. Quant aux chefs de son armée, ils gardent encore foi en lui mais montrent des signes de lassitude pour certains.

Après avoir confié la régence à l’impératrice Marie-Louise, Napoléon 1er décide de prendre la tête de l’armée et par une série de manœuvres destinées à séparer l’armée de Bohème de l’armée de Silésie, commence par surprendre cette dernière à Brienne-le-Château le 29 janvier 1814 avant d’être accroché lui-même à La Rothière trois jours plus tard. Avec environ 30 000 hommes, cette guerre de mouvement est risquée et les pertes que son armée endure lors de chaque combat ne font que l’affaiblir.

La traversée du Rhin par Blücher, peinture de Wilhelm
Camphausen ©Mittelrhein Museum Koblenz

Vers la bataille

Le 2 février, les coalisés établissent leur plan de bataille : von Blücher marchera sur Paris par la vallée de la Marne tandis que Schwarzenberg marchera sur Paris par la vallée de la Seine. Face à eux Napoléon 1er apparaît déterminé à tout miser sur la rapidité pour défaire ses adversaires les uns après les autres, comme il l’avait fait lors de la campagne d’Italie de 1796. Il poursuit donc sa stratégie et remporte un nouveau succès le 10 février 1814 à Champaubert, contre le 9e corps russe du général Olsouvief qu’il fait prisonnier, et entend vaincre les autres corps russes et prussiens de l’armée de Silésie qui descendent la vallée de la Marne désormais éloignés les uns des autres, avant de se retourner vers Schwarzenberg.

Le général von Osten-Sacken peint par George Dawe
©Musée de l'Ermitage

L’anéantissement du 9e corps russe à Champaubert est un coup dur pour l’armée de Silésie, dont les forces sont désormais coupées en deux, et tandis que von Blücher fait au plus vite pour venir de Châlons, les généraux von Osten-Sacken et Yorck von Wartenburg qui avançaient déjà en direction de Meaux se voient contraints de faire demi-tour et se portent vers Montmirail pour y retrouver von Blücher : c’est là que Napoléon 1er compte les y attendre.

Le général Yorck von Wartenburg par Ernst Gebauer
©Stiftung Preussische Schlösser und Gärten Berlin
Brandenburg

Un affrontement risqué mais calculé

A l’aube du 11 février 1814, Napoléon 1er a mis en place les quelque dix mille hommes dont il dispose au niveau de Marchais-en-Brie, aux carrefours des routes de Paris à Châlons et de Château-Thierry à Troyes, sur un plateau surplombant la vallée du Petit Morin parsemé de bois, de fermes et de villages particulièrement propices au déploiement de l’infanterie, de l’artillerie, mais aussi aux embuscades de cavalerie. Venant de l’ouest, les quinze mille soldats russes du 11e corps d’armée du général von Osten-Sacken arrivent en vue des Français vers 9h et doivent retrouver les sept mille Prussiens du 1er corps d’armée du général Yorck von Wartenburg dans la journée.

Grenadier à pied de la Vieille-Garde
peint par Edouard Detaille

 

Persuadés que les forces qui leur font face peuvent facilement être battues, les Russes, en ordre de bataille dans le village  de L’Epine-aux-Bois et dans les fermes voisines, décident  d’engager le combat et tentent de percer les lignes françaises qu’ils jugent faibles, Napoléon 1er ayant volontairement ordonné à la division Ricard de descendre dans la vallée du Petit Morin pour y attirer les troupes russes, tandis que lui-même resterait en réserve avec la Garde, et sa cavalerie à sa droite, pour agir sur le flan russe le moment venu.

Vers 11h, Marchais est prise par les Russes tandis que la 8e division du général Ricard – qui commence à être réellement éprouvée par les tirs russes – reçoit l'ordre de reculer pour feindre un repli. Voyant cela, von Osten-Sacken décide de faire descendre une partie de son infanterie vers la vallée du Petit-Morin et c’est à ce moment que la Vieille Garde fait mouvement sur l’Epine-aux-Bois avec le maréchal Ney et le général Friant à sa tête. Pris de vitesse, les Russes tentent de revenir sur le plateau mais leurs lignes désormais trop étirées sont attaquées par la cavalerie de la Garde, les grenadiers à cheval, dragons, chasseurs et chevau-légers lanciers surprenant les fantassins russes à découvert.

 

 

 

 

 

La bataille de Montmirail par Horace Vernet ©National Gallery
Le général Louis Friant, commandant la 1ère
division d'infanterie de la Garde

Bien qu’en infériorité numérique l’armée de Napoléon 1er est alors sur le point de faire basculer la bataille, mais ne détient pas encore la victoire. En effet les soldats russes continuent de faire preuve d’une courageuse résistance face aux assauts français de la Vieille Garde commandée par le général Friant à la ferme des Greneaux et au bois Bailly mais également face à la 8e division du général Ricard qui contre-attaque vers 14 heures autour du Tremblay pour reprendre Marchais mais qui échoue en essuyant de lourdes pertes. 

Le général Ricard, commandant la 8e division
d'infanterie

La situation devient critique vers 15 heures quand les avant-gardes prussiennes de Yorck von Wartenburg surgissent à Fontenelle, au nord du champ de bataille et que les troupes russes tentent de se joindre à elles pour faire front commun. Heureusement les renforts attendus par l’Empereur finissent par poindre à l’horizon, venant de Montmirail. A peine arrivée, la 2e division d’infanterie de la Garde du général Michel conduite par le maréchal Mortier et le général Michel est engagée au nord face aux soldats prussiens et les refoulent rapidement.

 

 

Une victoire aux lendemains incertains

En fin d’après-midi, après avoir perdu et repris Marchais-en-Brie à cinq reprises, la gauche et le centre de l’armée française finissent par chasser les troupes russes du village vers 16 heures avant de se rabattre sur l’Epine-aux-Bois avec le soutien de la cavalerie de la Garde du général Nansouty bientôt rejoints par les gardes d’honneurs de la division de cavalerie Defrance. La ferme des Greneaux, où les Russes résistaient depuis des heures, finit elle aussi par tomber devant les assauts de la Vieille Garde conduite par le maréchal Ney. La victoire acquise, les troupes françaises sont cependant trop éprouvées pour poursuivre leurs adversaires qui se replient sur la route de Château-Thierry, où la cavalerie impériale bousculera néanmoins l’arrière-garde prussienne le lendemain.

 

Montmirail, vive l'Empereur
©Bibliothèque municipale de Valenciennes

A l’heure du bilan les sources varient, mais Russes et Prussiens semblent avoir laissé près de quatre mille hommes, treize canons et six drapeaux sur le champ de bataille, des pertes lourdes pour ces deux corps d’armées, mais cependant faibles pour les coalisés, qui ont causé la perte de près de deux milles soldats français tués ou blessés, des hommes de valeur qui feront bien défaut par la suite. On peut encore voir dans Montmirail, au couvent de Montléan devenu aujourd’hui maison de retraite, un monument rappelant que le baron Larrey, chirurgien militaire, recueillit et opéra de nombreux blessés en ces lieux qu’il avait transformés en ambulance militaire.

Prisonniers russes sur le boulevard Saint-Martin à Paris ©RMN Château de Versailles
Blessés de la garde impériale rentrant à Paris en 1814
©RMN Château de Versailles

Dans la soirée, le grand quartier général impérial s’installe au hameau de la Haute-Epine tandis que Napoléon 1er passera la nuit du 11 au 12 février dans la ferme des Greneaux, lieu de tant d’affrontements dans la journée transformé en ambulance lorsque le bruit des canons s’est tu. A 20 h, Napoléon 1er écrivit à Marie-Louise quelques mots enjolivant la victoire que ses troupes avaient chèrement acquise dans la journée : « Mon amie, aujourd’hui j’ai attaqué la grande armée ennemie russe et prussienne à une lieue en avant de Montmirail. Je l’ai battue, mise en déroute, pris toute son artillerie, fait plus de 7 000 prisonniers, pris plus de 40 canons. Pas un homme de cette armée en débâcle ne se sauvera. Je meurs de fatigue. Tout à toi. Donne un baiser à mon fils ». Les jours qui suivent verront de nouvelles victoires pour Napoléon 1er, mais celles-ci ne seront qu’un sursis dans l’effondrement de son empire. Les défaites succédant aux victoires et ses forces armées s’affaiblissant, il se verra contraint d’abdiquer le 12 avril 1814.

Une colonne commémorative 

La colonne de Montmirail le 13 juillet 1866 prise par son
architecte ©Bibliothèque municipale de Châlons-en-
Champagne

 

A la limite des départements de l’Aisne et de la Marne, la colonne de la bataille de Montmirail marque encore l’emplacement où Napoléon 1er se tenait pendant la bataille le 11 février 1814. La première pierre fut posée le 20 juin 1866 avec l’approbation de l’Empereur Napoléon III qui contribua au financement, le projet étant également subventionné par les Conseils Généraux de l’Aisne et de la Marne ainsi que par plusieurs communes des deux départements. Conçue par l’architecte A. Morsaline et réalisée par François Demerle d’Epernay et M. Brodier, sculpteur à Châlons, cette colonne de style corinthien de 18 mètres de haut en pierre d’Euville est surmontée d’un aigle doré aux ailes à demi-déployées, à la tête tournée vers l’Est. L’inauguration eut lieu le 11 février 1867 au jour anniversaire de la bataille, et donna lieu à de nombreuses festivités. Depuis le 31 décembre 2012 pour le département de la Marne et le 23 mai 2014 pour le département de l’Aisne, ce monument est désormais inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques de France.

Face au monument on peut observer une stèle en granit. Il s’agit du monument des Saint-Cyriens de la promotion « Montmirail », qui fut élevé en 1959 par les Saint-Cyriens de la promotion de l’école spéciale militaire de 1912-1914 à la mémoire de leurs camarades morts pour la France entre 1914 et 1955. Ce monument a été relevé en 1999 par la promotion Camerone 1962-1964 de la même école, afin que cette mémoire soit perpétuée.

Une borne pour la mémoire


Borne Aisne Terre de Mémoire à Dhuys et Morin en Brie

Le 23 mai 2023, une borne du réseau Aisne Terre de Mémoire mis en place par le Département de l’Aisne a été inaugurée afin de valoriser ce monument, son histoire et celle des hommes qu’il honore.

La Route des Quatre victoires

Depuis 1984, différentes associations comme la Batterie Napoléonienne de Charly-sur-Marne, l’Association pour la Conservation des Monuments Napoléoniens, Mémoire 1814 puis les Amis du Patrimoine Napoléonien, ont constitué une route historique et touristique dédiée aux combats de 1814. Cette « Route des Quatre victoires », jalonne aujourd’hui 36 sites de Sézanne à Château-Thierry, et permet aux visiteurs de marcher sur les pas des Grognards et des Marie-Louise dans ce chemin de la mémoire napoléonienne.

 

A proximité, vous pourrez ainsi retrouver des informations historiques dans les villages suivants :

  • MONTMIRAIL : Monument des batailles des 11 et 14 février 1814 près du couvent de Montléan.
  • MARCHAIS-EN-BRIE : Colonne du hameau du Tremblay, Table plan de la bataille du 11 février 1814 près de la petite mare du Tremblay, Plaque commémorative apposée sur l'un des murs de la ferme de la Cour d'Airain et Stèle des Greneaux, située à l'entrée de la ferme du même nom.
  • COURMONT : Stèle près de la ferme et du bois du Courmont
  • L’EPINE-AUX-BOIS : Plaque commémorative devant la ferme du Château, au hameau de la Haute Epine, et Stèle située au hameau de La Meulière
  • MONTFAUCON : Stèle en bordure de la D1, au lieu-dit la Couture
  • NESLES-LA-MONTAGNE : Stèle située sur le plateau de Nesles, à l'entrée du chemin du Lumeron, et Stèle posée sur un décor en forme de Légion d'Honneur dans le village