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Publié le 26 aoû 2024 - Mis à jour le

15 et 16 mai 1940, les combats de Brunehamel et Mont-Saint-Jean

Après avoir traversé les Ardennes alors que les troupes franco-britanniques pensaient les combattre en Belgique, la majeure partie des forces mécanisées de l’armée allemande atteignent la Meuse à Dinant, Monthermé puis Sedan. A l’annonce du retour de l’occupant de 1914-1918, les populations civiles fuient déjà sur les routes, abandonnant leurs villages comme celui de Brunehamel dont les habitants partent sur les routes dès le 12 mai. Les 13 et 14 mai, les tentatives françaises pour repousser la percée allemande sur la Meuse échouent et dès le 15 mai en fin d’après-midi, les premiers éléments blindés de la 6e Panzerdivision (PzD) allemande atteignent Rozoy-sur-Serre puis Montcornet.

Colonne motorisée allemande dans Rozoy-sur-Serre,
mai 1940.
© Arch.dép. Aisne, 2 Fi 9
Véhicules français détruits à Rozoy-sur-Serre, sur la route
de Brunehamel, mai 1940
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1020

Des troupes françaises en repli

Menacées d’être prises à revers, les troupes de la 9e armée française qui avaient avancé en Belgique reçoivent l’ordre de se replier en toute hâte à l’annonce de la percée allemande. Dans l’après-midi du 15 mai, on voit ainsi des colonnes d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie hippomobiles des 22e, 61e et 102e divisions d’infanterie françaises traverser le nord du département des Ardennes pour rejoindre celui de l’Aisne. Sans contacts avec leurs chefs, ignorant si une embuscade ne leur sera pas tendue au prochain carrefour et harcelés par les bombardements de l’aviation allemande, ces colonnes tentent néanmoins d’avancer, notamment par Rumigny, en direction de l’ouest.

Les avant-gardes allemandes arrivent

Carte de l’invasion de la Thiérache ©F.Lefort, CD02

 

Empruntant les petites routes plutôt que les grands axes afin d’infiltrer au mieux les arrières de l’armée française et éviter les colonnes de réfugiés, les automitrailleuses de reconnaissance de la 6e PzD. ont pour mission de prendre de vitesse les troupes françaises, empêcher leur réorganisation, et se renseigner sur les axes de progression possibles pour les chars qui les suivent de quelques heures.

Dans la soirée du 15 mai, quatre automitrailleuses allemandes entrent ainsi dans Brunehamel, et y stoppent deux colonnes durant la soirée puis une troisième dans la nuit. Ces confrontations mènent à des échanges de tirs, mais devant la supériorité des armes automatiques allemandes et le désarroi de voir leur route bloquée, ce sont bientôt plusieurs centaines de combattants et d’officiers français, principalement du 51e régiment d’artillerie de campagne et du 218e régiment d’artillerie lourde, qui sont faits prisonniers et rassemblés sur la place de Brunehamel. Ils sont bientôt rejoints par une autre colonne de fantassins et d’artilleurs français capturés dans la nuit près de Hannappes (08).

Les combats de Brunehamel

L’aube du 16 mai se lève sur un paysage de chaos : la rue de Brunehamel qui mène vers Mont-Saint-Jean est encombrée de dépouilles de chevaux, de véhicules et de trains d’artillerie abandonnés après les affrontements de la nuit, tandis que les automitrailleuses allemandes sont rejointes par un bataillon de chars de la 6e PzD. qui s’installe rapidement aux sorties du village. C’est malheureusement sur eux que tombe une nouvelle colonne française en repli venant de Mont-Saint-Jean, composée de militaires et de civils que ces derniers avaient recueillis sur la route.

Convoi d’artillerie renversé près d’une prairie et cadavres
de chevaux, probablement sur la route de Brunehamel
à Mont-Saint-Jean, mai 1940. ©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1158
Cadavres de chevaux et cuisine roulante abandonnée
probablement à l’entrée de Brunehamel, mai 1940.
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1159

 

Comprenant rapidement que Brunehamel est occupé par une unité blindée allemande, fantassins et artilleurs français mettent en position leurs canons antichars de 25 mm et détruisent un char. Toutefois la réaction des soldats allemands pris au réveil ne tarde pas, et l’infanterie motorisée et les chars se déploient rapidement à travers les pâturages au nord et au nord-est de Brunehamel et prend en tenaille la colonne française. Les combats sont intenses et durent plus d’une heure avant que le bruit des balles ne cesse, des centaines de prisonniers français venant rejoindre leurs camarades sur la place de Brunehamel.

Mais le souffle des combats est à peine retombé entre Brunehamel et Mont-Saint-Jean que des explosions vont à nouveau retentir et embraser le village. En effet, l’aviation française, qui a bien identifié la présence des colonnes allemandes dans les confins orientaux du département de l’Aisne, envoie des bombardiers Lioré et Olivier LeO 451 effectuer des bombardements sur Brunehamel à 12h puis 16h15. Toute la journée on verra aussi des Breguet Br.693 harceler les colonnes allemandes dans la région. Bombardant et mitraillant malgré une DCA allemande très présente, ils ralentissent la progression des panzers en de nombreux points.

Les combats de Mont-Saint-Jean

En cet après-midi du 16 mai, tandis qu’à Brunehamel les bombes françaises tombent autour des véhicules allemands, sur les débris des colonnes françaises de la veille et sur les maisons attenantes, et que plus d’un millier de prisonniers français sont toujours rassemblés sur la place, les blindés allemands positionnés sur la route de Brunehamel à Mont-Saint-Jean voient arriver de nouvelles colonnes françaises en repli. Principalement composées d’éléments des 337e, 265e, 248e, puis 62e RI, ces colonnes sont bien armées en comparaison des colonnes d’artillerie de la veille, et le combat s’engage violemment, les combattants français étant déterminés à se frayer un chemin. Après trois heures d’échanges de tirs et des pertes significatives – 44 combattants sont répertoriés comme « Morts pour la France » à Mont-Saint-Jean – des soldats français parviennent à rejoindre la forêt de la Haye d’Aubenton, mais certains du 62e régiment d’infanterie, encerclés dans Mont-Saint-Jean, se battront jusqu’à épuisement de leurs munitions.

Une rue de Brunehamel encore ​​​​​​marquée par les combats
et les bombardements, mai 1940.
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 961
Maison de Brunehamel détruite durant les bombardements,
mai 1940.
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 959

Conclusion

Oubliés de la mémoire, les combats menés par les colonnes françaises en repli à Brunehamel et Mont-Saint-Jean les 15 et 16 mai 1940 furent d’une rare violence. Ces fantassins et artilleurs français en ordre de marche, pour certains ayant pris des civils sous leur protection, pensant avancer en territoire sûr, furent confrontés violemment à des chars et de l’infanterie motorisée allemande très bien équipée. Très représentatifs du début de cette Bataille de France, où la tactique allemande de prendre de vitesse le dispositif défensif français à l’endroit où il était le plus faible fut un succès, ces combats n’en furent pas moins aussi héroïques que désespérés, et surtout très meurtriers. Ainsi, une fois les combats terminés, ce ne sont pas moins que 16 civils et 88 militaires qui furent inhumés dans un cimetière provisoire à la sortie de Brunehamel, jusqu’à ce qu’ils soient exhumés en 1949. Afin de continuer à honorer leur mémoire, cette stèle fut érigée en 1968 à l’emplacement de l’ancien cimetière provisoire.

Monument aux militaires et civils victimes des combats
de Mont-Saint-Jean et Brunehamel le 16 mai 1940.
©CD02

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