1814
Ses habitants jetés sur les routes retrouvent un département occupé séparé en deux par une ligne de démarcation, mais où la résistance s’organise peu à peu. Sous le joug de l’occupant les Axonais vont survivre quatre années, marqués par les arrestations, les déportations et les exécutions avant de voir les résistants et les troupes américaines libérer un territoire où la mémoire de cette guerre reste toujours vivante.
Publié le 26 aoû 2024 - Mis à jour le
Après avoir traversé les Ardennes alors que les troupes franco-britanniques pensaient les combattre en Belgique, la majeure partie des forces mécanisées de l’armée allemande atteignent la Meuse à Dinant, Monthermé puis Sedan. A l’annonce du retour de l’occupant de 1914-1918, les populations civiles fuient déjà sur les routes, abandonnant leurs villages comme celui de Brunehamel dont les habitants partent sur les routes dès le 12 mai. Les 13 et 14 mai, les tentatives françaises pour repousser la percée allemande sur la Meuse échouent et dès le 15 mai en fin d’après-midi, les premiers éléments blindés de la 6e Panzerdivision (PzD) allemande atteignent Rozoy-sur-Serre puis Montcornet.
Menacées d’être prises à revers, les troupes de la 9e armée française qui avaient avancé en Belgique reçoivent l’ordre de se replier en toute hâte à l’annonce de la percée allemande. Dans l’après-midi du 15 mai, on voit ainsi des colonnes d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie hippomobiles des 22e, 61e et 102e divisions d’infanterie françaises traverser le nord du département des Ardennes pour rejoindre celui de l’Aisne. Sans contacts avec leurs chefs, ignorant si une embuscade ne leur sera pas tendue au prochain carrefour et harcelés par les bombardements de l’aviation allemande, ces colonnes tentent néanmoins d’avancer, notamment par Rumigny, en direction de l’ouest.
Empruntant les petites routes plutôt que les grands axes afin d’infiltrer au mieux les arrières de l’armée française et éviter les colonnes de réfugiés, les automitrailleuses de reconnaissance de la 6e PzD. ont pour mission de prendre de vitesse les troupes françaises, empêcher leur réorganisation, et se renseigner sur les axes de progression possibles pour les chars qui les suivent de quelques heures.
Dans la soirée du 15 mai, quatre automitrailleuses allemandes entrent ainsi dans Brunehamel, et y stoppent deux colonnes durant la soirée puis une troisième dans la nuit. Ces confrontations mènent à des échanges de tirs, mais devant la supériorité des armes automatiques allemandes et le désarroi de voir leur route bloquée, ce sont bientôt plusieurs centaines de combattants et d’officiers français, principalement du 51e régiment d’artillerie de campagne et du 218e régiment d’artillerie lourde, qui sont faits prisonniers et rassemblés sur la place de Brunehamel. Ils sont bientôt rejoints par une autre colonne de fantassins et d’artilleurs français capturés dans la nuit près de Hannappes (08).
L’aube du 16 mai se lève sur un paysage de chaos : la rue de Brunehamel qui mène vers Mont-Saint-Jean est encombrée de dépouilles de chevaux, de véhicules et de trains d’artillerie abandonnés après les affrontements de la nuit, tandis que les automitrailleuses allemandes sont rejointes par un bataillon de chars de la 6e PzD. qui s’installe rapidement aux sorties du village. C’est malheureusement sur eux que tombe une nouvelle colonne française en repli venant de Mont-Saint-Jean, composée de militaires et de civils que ces derniers avaient recueillis sur la route.
Comprenant rapidement que Brunehamel est occupé par une unité blindée allemande, fantassins et artilleurs français mettent en position leurs canons antichars de 25 mm et détruisent un char. Toutefois la réaction des soldats allemands pris au réveil ne tarde pas, et l’infanterie motorisée et les chars se déploient rapidement à travers les pâturages au nord et au nord-est de Brunehamel et prend en tenaille la colonne française. Les combats sont intenses et durent plus d’une heure avant que le bruit des balles ne cesse, des centaines de prisonniers français venant rejoindre leurs camarades sur la place de Brunehamel.
Mais le souffle des combats est à peine retombé entre Brunehamel et Mont-Saint-Jean que des explosions vont à nouveau retentir et embraser le village. En effet, l’aviation française, qui a bien identifié la présence des colonnes allemandes dans les confins orientaux du département de l’Aisne, envoie des bombardiers Lioré et Olivier LeO 451 effectuer des bombardements sur Brunehamel à 12h puis 16h15. Toute la journée on verra aussi des Breguet Br.693 harceler les colonnes allemandes dans la région. Bombardant et mitraillant malgré une DCA allemande très présente, ils ralentissent la progression des panzers en de nombreux points.
En cet après-midi du 16 mai, tandis qu’à Brunehamel les bombes françaises tombent autour des véhicules allemands, sur les débris des colonnes françaises de la veille et sur les maisons attenantes, et que plus d’un millier de prisonniers français sont toujours rassemblés sur la place, les blindés allemands positionnés sur la route de Brunehamel à Mont-Saint-Jean voient arriver de nouvelles colonnes françaises en repli. Principalement composées d’éléments des 337e, 265e, 248e, puis 62e RI, ces colonnes sont bien armées en comparaison des colonnes d’artillerie de la veille, et le combat s’engage violemment, les combattants français étant déterminés à se frayer un chemin. Après trois heures d’échanges de tirs et des pertes significatives – 44 combattants sont répertoriés comme « Morts pour la France » à Mont-Saint-Jean – des soldats français parviennent à rejoindre la forêt de la Haye d’Aubenton, mais certains du 62e régiment d’infanterie, encerclés dans Mont-Saint-Jean, se battront jusqu’à épuisement de leurs munitions.
Oubliés de la mémoire, les combats menés par les colonnes françaises en repli à Brunehamel et Mont-Saint-Jean les 15 et 16 mai 1940 furent d’une rare violence. Ces fantassins et artilleurs français en ordre de marche, pour certains ayant pris des civils sous leur protection, pensant avancer en territoire sûr, furent confrontés violemment à des chars et de l’infanterie motorisée allemande très bien équipée. Très représentatifs du début de cette Bataille de France, où la tactique allemande de prendre de vitesse le dispositif défensif français à l’endroit où il était le plus faible fut un succès, ces combats n’en furent pas moins aussi héroïques que désespérés, et surtout très meurtriers. Ainsi, une fois les combats terminés, ce ne sont pas moins que 16 civils et 88 militaires qui furent inhumés dans un cimetière provisoire à la sortie de Brunehamel, jusqu’à ce qu’ils soient exhumés en 1949. Afin de continuer à honorer leur mémoire, cette stèle fut érigée en 1968 à l’emplacement de l’ancien cimetière provisoire.
Publié le 26 aoû 2024 - Mis à jour le
Le 15 mai 1940, la percée allemande est un fait et la Meuse franchie. L’armée française tente alors de rétablir la situation et de déterminer l’axe de progression des divisions blindées allemandes qui ont surgi des Ardennes. Le 3e régiment d’autos-mitrailleuses (3e RAM), alors de retour d’une mission à la frontière luxembourgeoise, reçoit l’ordre de faire mouvement en direction du département de l’Aisne. Toutefois seules les unités les plus rapides peuvent effectivement faire le trajet et bientôt quinze automitrailleuses AMD 178 Panhard et 30 side-cars se dirigent à toute vitesse vers l’Aisne.
Manquant d’informations sur l’avancée des troupes allemandes dans la région, qui évolue d’heure en heure, mais hanté par la crainte d’un plan qui viserait Paris comme en 1914, le Grand Quartier Général de l’armée française a en effet deux préoccupations : protéger la route de la capitale et positionner des unités françaises sur les flancs de l’avance allemande afin de la contenir le moment venu. C’est pour cette raison que la 3e division légère de cavalerie (3e DLC) à laquelle est rattaché le 3e RAM est mise à la disposition de la 6e armée qui se met en place sur l’Aisne.
Envoyés sur Lislet et Montcornet afin d’y tenir les ponts sur la Serre et le Hurtaut, l’escadron d’autos-mitrailleuses du capitaine Weygand et les escadrons de fusiliers motocyclistes des capitaines de Brignac et de Roys, placés sous le commandement du commandant de Lamotte-Rouge, arrivent en vue de ces localités le 16 mai en début de matinée. Quelle n’est pas leur déconvenue de constater qu’après avoir parcouru tant de kilomètres, les avant-gardes allemandes les ont devancés et des armes antichars leur empêche toute approche des ponts. En conséquence, le commandant de la Motte Rouge décide de se replier sur Dizy-le-Gros et de mettre le village en défense en attendant de nouveaux ordres.
Nœud routier majeur de la région entre Montcornet et Reims, Dizy-le-Gros est mis en état de défense à partir de 9h30 par le commandant de la Motte Rouge, dont les maigres moyens sont répartis à chaque sortie du village et des barricades sont dressées. Mais Dizy-le-Gros s’avère malheureusement être sur l’axe de progression de la 1ère PzD. venant des Ardennes, et au lieu de voir l’armée allemande l’attaquer par le nord, c’est par le sud et l’est du village que les premiers blindés allemands font irruption vers 15h30 et se répandent rapidement dans le village, prenant les barricades à revers. Les deux escadrons motocyclistes n’ayant que des fusils-mitrailleurs FM 24/29 et des mortiers de 60 mm à leur opposer, la défense française est presque impossible, tandis que les automitrailleuses, dont le blindage ne dépasse pas 20 mm, sont rapidement détruites ou immobilisées par les chars.
Maison après maison, les troupes allemandes prennent possession du village, et rapidement la rue principale est sous leur contrôle, tandis que les positions françaises sont encerclées. La résistance des hommes du 3e RAM n’en est pas moins audacieuse si l’on en croit les récits des survivants. Ainsi, afin de couvrir le regroupement de ses hommes derrière une barricade, le lieutenant Leroy-Beaulieu, armé de son fusil-mitrailleur, traverse une rue entre deux chars et est abattu par la mitrailleuse de l’un d’eux. Le commandant de La Motte Rouge et le lieutenant Pissavy tentent de leur coté de placer des mines antichars dans une rue, mais repéré par un char allemand alors qu’il resserre les mines sur la chaussée, le lieutenant Pissavy est abattu.
Ailleurs, quelques hommes refugiés dans une maison réussissent à récupérer un fusil-mitrailleur et le capitaine de Roys, champion de tir, abat plusieurs officiers allemands d’après les récits des combats (plusieurs tués sont effectivement recensés, dont le Hauptmann Waldmann). Toutefois, en dehors de quelques faits d’armes héroïques, isolés dans les maisons, les hommes du 3e RAM, dont de nombreux blessés, doivent cesser le combat vers 16h30 et la plupart sont faits prisonniers.
Profitant d’un bombardement de Dizy-le-Gros par l’aviation française en fin de journée, des prisonniers ainsi que les derniers combattants français encore cachés dans les maisons, dont le capitaine de Roys, en profiteront pour quitter le village. Après une longue marche, ils rejoindront les lignes françaises vers 7h du matin et pourront informer leurs chefs de la forte présence des blindés allemands. Au total seules quatre autos-mitrailleuses et une trentaine de side-cars du 3e RAM répondront à l’appel le lendemain des combats à Sissonne. L’armée allemande réutilisera immédiatement les autos-mitrailleuses capturées à Dizy-le-Gros encore en état et s’en servira dans les semaines suivantes pour pouvoir approcher des positions françaises avant de les attaquer.
Quant aux rescapés, ils poursuivront le combat durant toute la bataille de France, et c’est pourquoi le monument érigé à Dizy-le-Gros rend aujourd’hui hommage à tous les morts du 3e régiment d’autos-mitrailleuses décédés durant la bataille de France, sur les lieux où se livra l’un des premiers combats importants sur le territoire axonais en mai-juin 1940.
Publié le 28 aoû 2024 - Mis à jour le
Le 10 mai 1940, après huit mois de drôle de guerre qui lui ont permis d’achever ses plans d’invasion, l’armée allemande lance son offensive sur le front de l’Ouest. A travers les Ardennes, l’essentiel de ses divisions blindées s’élance, atteignant la Meuse à Dinant, Monthermé puis Sedan le 12 mai. Face à elles, des unités de la 9e armée française envoyées défendre la rivière et qui seront les premières confrontées à la violence des combats en ce mois de mai 1940.
Comme prévu par le plan Dyle-Breda adopté par l’armée française en mars 1940, c’est à la 9e armée du général Corap que revient la tâche d’être déployée sur la Meuse, à cheval sur la frontière franco-belge. Cette armée est alors essentiellement composée d’unités presque sans moyens de déplacement mais plus grave encore, avec un déficit d’armements dont notamment des armes antichars. Ce sont malheureusement ces unités éreintées par une longue marche sous une chaleur torride qui vont être confrontées à l’attaque allemande. A peine arrivées sur leurs positions dans la journée du 12 mai, elles sont prises à partie par les forces allemandes qui, soutenues par leur aviation, les débordent en de nombreux points, non sans avoir tenté de les ralentir en faisant sauter les ponts.
Dès la journée du 13 mai, les 18e et 22e divisions d’infanterie (DI) du 11e corps d’armée d’une part, et les 61e et 102e divisions d’infanterie du 41e corps d’armée sont disloquées et contraintes au repli. Sous le couvert des bois et le mitraillage incessant de l’aviation allemande, les unités encore organisées, mais le plus souvent constituées en groupements, tentent ainsi de se replier vers l’Ouest, à travers le département des Ardennes, durant les journées du 14 et du 15 mai 1940, et atteignent les limites du département de l’Aisne.
Dans le secteur de la forêt de Saint-Michel, on croise alors des unités de la 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA) et la 22e DI et c’est le commandant de cette dernière, le général Hassler, qui donne l’ordre le 15 mai au général Béziers-Lafosse, commandant l’infanterie divisionnaire de la 22e DI, d’organiser et de commander la résistance dans la forêt de Saint-Michel, en occupant les blockhaus de la ligne principale de résistance et de la ligne d’arrêt prévus dans le cadre du plan Escaut, précédent plan d’opérations de l’armée française en 1939.
Rapidement, toutes les colonnes de combattants en repli, quelles que soient leurs unités d’origine, sont rattachées à la 22e DI avec pour mission de tenir leurs positions sans esprit de recul, dans ce qui semble être une mission de sacrifice, les colonnes allemandes approchant sur leurs arrières par la route de Charleville-Mézières à La Capelle. Plusieurs centaines de fantassins, deux groupes d’artillerie, quelques chars du 32e bataillon de chars de combat se retrouvent ainsi en position sur la quarantaine de casemates bétonnées située en forêt de Saint-Michel. Au carrefour 256, aujourd’hui carrefour de l’Etoile, une centaine d’hommes recueillis à Wimy sont placés sous les ordres du lieutenant-colonel Le Barillec, commandant le 62e régiment d’infanterie (RI).
Sans vraiment le savoir, faute de renseignement, les troupes françaises sont bel et bien en train d’être encerclées, puisque la 8e panzerdivision (PzD) du général Kuntzen, qui a surgi des Ardennes par Aubenton, a atteint les faubourgs d’Hirson le 16 mai dans la soirée. Le 17 mai, elle affronte des unités de la 4e DINA à Mondrepuis puis La Capelle, et c’est en fin d’après-midi que les premiers éléments de cette division blindée entrent en contact avec les combattants français qui tiennent la forêt de Saint-Michel. Leurs attaques sont particulièrement courtes mais violentes afin de tester le dispositif français et causent des pertes de part et d’autre.
Le 18 mai dans la matinée, les troupes allemandes effectuent une attaque d’ampleur en venant de Saint-Michel, mais d’autres unités attaquent également simultanément de l’Ouest et de l’Est ainsi que la région de Macquenoise au Nord. La résistance française est acharnée mais attaquant les casemates par leurs angles morts, les troupes allemandes font tomber les positions françaises les unes après les autres, les armes faisant feu jusqu’en fin de matinée avant que les derniers combattants français ne soient contraints de se rendre, faute de munitions.
Méconnus, les combats menés en forêt de Saint-Michel sont certes mineurs en comparaison de ceux qui furent menés dans Mondrepuis ou Brunehamel, tant par l’ampleur des troupes engagées que par les pertes subies, mais n’en constituent pas moins un fait d’armes de combattants français ayant décidé de résister sans esprit de recul.
Soucieux de faire perdurer la mémoire de ces combats et des combattants qui y laissèrent la vie les 16, 17 et 18 mai 1940 en forêt de Saint-Michel, l’Association Saint-Michelloise du Souvenir de Mai 1940 a inauguré ce monument en 2003, et propose des circuits routiers et pédestres « Sur les traces de Maginot », afin de redécouvrir les vestiges de la ligne de fortifications sur laquelle les troupes françaises s’appuyèrent lors de ces combats.
Publié le 28 aoû 2024 - Mis à jour le
Passée la surprise des premiers jours de l’invasion, l’état-major de l’armée française décide le 15 mai de rétablir le front à tout prix et de protéger Paris, persuadé que l’axe d’attaque visé par la Wehrmacht va se replier à un moment ou à un autre vers le Sud. Pour cela, elle rassemble les divisions encore disponibles et décide d’établir un nouveau front de la Somme à l’Aisne. Pour couvrir l’installation de ces unités et gagner du temps, il est décidé d’envoyer en urgence dans la région de Laon une unité nouvellement créée sous le commandement de l’un des théoriciens de l’arme blindée en France : la 4e division cuirassée (DCR) du colonel de Gaulle.
Le 15 mai à 15h, le colonel de Gaulle quitte Le Vésinet (Yvelines) où l’état-major de la 4e DCR est rassemblé et prend la route de Laon avec une division qui n’existe alors que sur le papier mais dont les unités qui la composent doivent le rejoindre dans l’Aisne. Entouré de ses officiers et d’un détachement, il prend la route de Soissons tandis que son chef d’état-major et son QG partent pour Corbeny. Ayant dépassé Soissons vers 17h, il arrive au sud de Laon et se fixe dans la soirée à Bruyères-et-Montbérault où est déjà installé le 4e groupe autonome d’artillerie qu’il intègre à ses forces. Ayant reçu l’ordre de la 6e armée d’établir des barrages antichars, le colonel de Gaulle couvre les flancs de la 4e DCR en installant des bouchons défensifs à la lisière nord-est de la forêt de Samoussy, à la gare de Saint-Erme (Maison Bleue), et au passage de l’Aisne à Neufchâtel avec les maigres moyens dont il dispose.
Le 16 mai, les unités de chars composant sa division rejoignent peu à peu le Laonnois et il peut signer dans l’après-midi son ordre d’opérations n°1 : celui-ci planifie pour le lendemain une reconnaissance offensive de 25 km en direction de Montcornet où les Allemands sont signalés, alors qu’il ne dispose presque pas d’infanterie, que ses équipages ont une formation incomplète, ses chars une consommation excessive en essence et une liaison radio défaillante. De l’avis même de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Rime-Bruneau : « C’est de la folie mais de Gaulle compte sur le choc psychologique ». A la nuit tombée, il donne personnellement ses ordres aux chefs des unités qui doivent attaquer tandis que, consciente du danger, l’armée allemande dispose de son côté des mines sur les points de passage et organise des positions défensives à l’aide de pièces antiaériennes et antichars.
Le 17 mai, après avoir quitté Bruyères à 2h, le colonel de Gaulle assiste à 4h15 au départ des chars B1 Bis du 46e bataillon de chars de combat (BCC) et des chars D2 de la 345e compagnie autonome de chars de combat (CACC) en lisière de la forêt de Samoussy. Ceux-ci débouchent sur Liesse-Notre-Dame puis Chivres non sans difficultés, une colonne allemande égarée ayant croisé leur route. Pendant une grande partie de la matinée, l’ambiance est à la guérilla sur le parcours des chars lourds, les combattants allemands échappés de la colonne en flamme s’étant réfugiés dans Chivres et Bucy-lès-Pierrepont, il faut que les quelques combattants français rattachés aux unités de chars, fort heureusement dotés de pistolets-mitrailleurs, fouillent et nettoient méthodiquement chaque village. Il faut dire que l’infanterie manque cruellement pour épauler les chars, et le colonel de Gaulle reçoit très sévèrement le commandant Bertrand du 4e bataillon de chasseurs portés qui arrive seulement à Gizy à 8h30, trop tard pour intervenir dans le déroulement de la bataille.
Suivant constamment la progression des chars, de Gaulle se déplace partout : à Liesse puis Sissonne à 7h, puis à Gizy à 8h30 avant de retourner à Liesse et Chivres vers 10h, tandis que les chars R-35 du 24e BCC partis de Sissonne pénètrent dans Montcornet et Lislet par la route de Reims vers 12h. Sans infanterie ils sont victimes des chars et des canons antichars allemands laissés là par la 1ère Panzerdivision et ne peuvent passer la Serre, et ceux du 2e BCC ne font pas mieux. Vers 15h, après plusieurs tentatives, et bientôt à court d’essence, les chars R-35 se replient sur Boncourt, couverts par des éléments de la 3e DLC qui protège alors le flanc droit de la division.
De leur côté les chars lourds du 46e BCC et de la 345e CACC progressent plus difficilement et perdent beaucoup de temps à faire le plein de carburant à Bucy-lès-Pierrepont de 12h à 16h. Vers 15h les chars D2 descendent vers Montcornet par la route de Laon et détruisent une colonne allemande. Conscient de l’impossibilité de percer à Montcornet où l’armée allemande a positionné des mines et des canons de 8,8 cm Flak en position antichar, le colonel de Gaulle ordonne le repli vers 16h, celui-ci s’opérant entre 18h et 21h sous les bombes des Stukas. Le 46e BCC qui se replie sur Clermont-les-Fermes perd alors son chef, le commandant Bescond, tué à bord du « Sampiero Corso » à La Ville-aux-Bois-lès-Dizy. Vers 22h les chars D2 se replient à leur tour et croisent peu avant Liesse le colonel de Gaulle qui les attend.
La bataille de Montcornet aura été un échec militaire mais du temps a été gagné et la manœuvre a inquiété les Allemands qui maintiennent leur Haltbefehl jusqu’au 18 mai afin de renforcer les flancs de leur percée. À la fin de la journée, 23 chars ont été perdus ainsi que 14 tués, 6 blessés et 9 disparus, et Montcornet est toujours aux mains des Allemands dont les mouvements offensifs n’ont pas été entravés. En fait, le succès de la 4e DCR à Montcornet est surtout d’ordre psychologique : au sein de sa division, l’expérience du terrain fut formatrice et la confiance est installée, tandis qu’à l’échelle nationale ce qui est présenté comme une contre-attaque réussie en pleine débâcle permettra d’asseoir le prestige de Charles de Gaulle et posera les fondations du gaullisme comme palliatif au syndrome de 1940.
Elément central de l’ensemble mémoriel de la Bataille de France dans l’Aisne, l’œuvre « La Résilience » a été commandée en 2020 par le Conseil départemental de l’Aisne en hommage aux combattants français de mai-juin 1940, dont le colonel Charles de Gaulle, qui envoya ses chars en reconnaissance offensive sur Montcornet le 17 mai 1940. Cette œuvre fut inaugurée le dimanche 21 novembre 2021 à Montcornet lors de la cérémonie départementale donnée en mémoire des combattants de la Bataille de France de mai-juin 1940.
Afin de personnifier les combattants de la Bataille de France, l’œuvre est composée de lames comportant chacune un portrait sculpté : le colonel Charles de Gaulle, mais aussi des soldats d’unités ayant combattu durant la Bataille de France dans l’Aisne : fantassin, cavalier, chasseur alpin, zouave, tankiste, aviateur, regardant devant eux, au-delà des combats. Ces lames d’acier corten symbolisent à la fois le métal des chars, comme éclaté après avoir été percuté par un obus, et la dernière muraille, certes fissurée, mais qui reste toujours debout, comme les combattants qui y sont évoqués, qui demeurent unis pour défendre le territoire et la République.
La disposition des lames, en cercle, formant un léger mouvement de spirale allant de la terre au ciel, évoque la forme d’un tourbillon ascendant, celui de l’histoire qui s’emballe, menant au conflit et emportant les hommes.
Passée la surprise des premiers jours de l’invasion, l’état-major de l’armée française décide le 15 mai de rétablir le front à tout prix et de protéger Paris, persuadé que l’axe d’attaque visé par la Wehrmacht va se replier à un moment ou à un autre vers le Sud.
Appelés aux armées par la mobilisation partielle à la fin du mois d’août puis par la mobilisation générale du 1er septembre 1939, les Axonais en âge de se battre rejoignent rapidement les 147e, 136e et 155e régiments d’infanterie de forteresse (RIF) du secteur fortifié de Montmédy, tandis qu’à La Capelle et Hirson sont formés les 45e et 124e régiments d’infanterie (RI) qui intègrent la 4e division d’infanterie (DI). À leurs côtés sont aussi partiellement rassemblés des éléments du 91e RI qui, avec le 67e RI de Soissons et les 42e régiment d’artillerie divisionnaire (RAD) et 242e régiment d’artillerie lourde divisionnaire (RALD) mobilisés à La Fère, entrent dans la composition de la 3e division d’infanterie motorisée (DIM). En outre, le centre mobilisateur de l’artillerie de La Fère forme également les 301e et 302e régiments d’artillerie à pied (RAP) et le 102e régiment d’artillerie lourde tractée (RALT).
Ces Axonais vont se battre en mai-juin 1940, et l’on compte près de 800 Axonais « Morts pour la France » durant cette période, et leurs noms sont inscrits ici : des hommes de la 3e DIM tombés dans la bataille de Stonne, mais aussi de la 4e DI qui, rattachés à la 7e armée, font face en Belgique puis dans la poche de Lille à l’attaque allemande. Mais il ne faut pas oublier non plus ceux affectés au secteur fortifié de Montmédy, et qui vont être les premiers confrontés à l’attaque allemande, à l’image de ceux du 155e RIF qui est particulièrement touché quand les Allemands attaquent l’ouvrage de La Ferté les 18 et 19 mai.
Publié le 26 aoû 2024 - Mis à jour le
Passée la surprise des premiers jours de l’invasion allemande, l’état-major de l’armée française décide le 15 mai de rétablir le front à tout prix et de protéger Paris, persuadé que l’axe d’attaque visé par la Wehrmacht va s’infléchir à un moment ou à un autre vers le sud, comme en 1914. Pour contrer cela, un nouveau front est constitué de la Somme à l’Aisne. Pour couvrir l’installation des troupes françaises et gagner du temps, il est décidé d’envoyer en urgence dans la région de Laon une unité nouvellement créée sous le commandement de l’un des théoriciens de l’arme blindée en France : la 4e division cuirassée (DCR) du colonel de Gaulle. Le 17 mai, cette division effectue une reconnaissance offensive en direction de Montcornet qui sera fatale au char « Sampiero Corso », du 46e bataillon de chars de combat (BCC).
Alors que le colonel de Gaulle arrive dans la soirée du 15 mai 1940 dans l’Aisne, ce n’est que le 16 mai dans la matinée que les chars B1 Bis du 46e BCC le rejoignent, arrivés par voie ferrée. De Gaulle, qui voit peu à peu ses forces augmenter, décide de préparer une reconnaissance offensive de 25 km en direction de Montcornet où les Allemands sont signalés. De l’avis même de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Rime-Bruneau : « C’est de la folie mais de Gaulle compte sur le choc psychologique ». A la nuit tombée, il donne personnellement ses ordres aux chefs des unités qui doivent attaquer tandis que, conscients du danger, les Allemands disposent de leur côté des mines sur les points de passage et organisent des positions défensives à l’aide de pièces antiaériennes et antichars. Vers minuit, le commandant Bescond, commandant du 46e BCC, quitte le poste de commandement du colonel de Gaulle et, conscient du danger de la mission qu’il devait accomplir le lendemain, confie à ses officiers : « Ce sera mon Reichshoffen ».
Le 17 mai, les chars B1 Bis du commandant Bescond s’élancent à 4h15 de la lisière de la forêt de Samoussy, où ils ont passé la nuit et débouchent en direction de Liesse-Notre-Dame. Là, les B1 Bis s’engouffrent dans la ville et au tournant qui se trouve près du sanctuaire, un B1 Bis rate même son virage et arrache un bloc de pierre d’un pilier, puis continue sa route. A Chivres-en-Laonnois, les chars français rencontrent une colonne allemande probablement égarée. Pensant sans doute déborder leurs adversaires dont ils ignorent le nombre, six B1 Bis quittent la route et s’embourbent dans les marais (cinq seront récupérés plus tard). Sans infanterie pour les épauler, du temps est perdu pour prendre le contrôle de Chivres-en-Laonnois et Bucy-lès-Pierrepont, occupés par les rescapés de la colonne allemande rencontrée. En fin de matinée les chars B1 Bis, particulièrement gourmands en essence, doivent refaire le plein en vue de l’attaque sur Montcornet.
Défendue par des unités du génie allemand et un bataillon de DCA en position antichar, Montcornet est difficile à approcher, et les chars du 24e BCC s’en sont rendu compte en début d’après-midi. Plus rapides, ces derniers étaient en effet descendus vers Montcornet en premier, alors que dans la conception de l’attaque, ce sont les B1 Bis qui devaient attaquer en premier, or ces derniers mettent près de quatre heures pour faire les pleins d’essence et ne peuvent rejoindre la bataille qu’à 16h. Tandis que la 1ère compagnie du 46e BCC avance par la gauche, les 2e et 3e compagnie s’élancent ainsi par la droite et le centre avec le commandant Bescond et dépassent Clermont-les-Fermes par l’est. Leurs ordres sont de rentrer dans Montcornet et d’ouvrir le feu durant dix minutes avant de décrocher, mais apercevant le clocher de La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, les tankistes le prennent pour celui de Montcornet et manquant de cartes, la 2e compagnie en prend la direction.
Dans La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, vers 18h, le commandant Bescond et la 2e compagnie du 46e BCC sont pris à partie par un canon de 8,8 cm de Flak. Après une quinzaine de minutes de combat, toujours sans soutien d’infanterie ni d’artillerie face à une solide résistance allemande, Bescond s’apprête conformément aux ordres à ordonner le repli lorsque son char, le « Berry-au-Bac », tombe en panne. Le « Sampiero Corso » et le « Duguesclin » se portent immédiatement au secours de leur chef, dont l’équipage, hormis le chasseur Signol qui reste auprès du « Berry-au-Bac », embarque à bord du « Sampiero Corso » qui reprend la route de Clermont-les-Fermes. C’est là que vers 18h15, deux coups directs tirés par une pièce de 8,8 cm de Flak allemande atteignent le char, carbonisant les huit hommes qui en composaient le double équipage. L’armée allemande procéda à leurs funérailles et deux croix en bois furent apposées, l’une allemande avec une inscription : « Hier resten Fr. Soldaten des Französichen Panzerwagen n° 399 Sampiero-Corso », et l’autre française, surmontée d’un casque de tankiste, avec la traduction : « Ici restes de soldats français du char français n° 399 Sampiero-Corso ».
Aujourd'hui, à l’emplacement du tertre où ils furent enterrés on peut voir un monument surmonté du tourelleau du char « Sampiero Corso » sur lequel on peut lire les noms des hommes qui ont péri ce 17 mai 1940 : chef de bataillon Bescond, sous‑lieutenant Henrion, sergent Vaille, sergent Mousset, caporal Durand, chasseur Lauxeur, chasseur Robellet et chasseur Richard. Tant par la personnalité du commandant Bescond (qui était un ancien des chars, ayant participé à la première attaque des chars français à Berry-au-Bac le 16 avril 1917) que par le contexte de l’attaque et les circonstances du décès de l’équipage du « Sampiero Corso », ce monument symbolise en quelque sorte la mémoire combattante de la bataille de Montcornet. Le 17 mai 2020, c’est d’ailleurs près de ce monument que les commémorations du 80e anniversaire de la Bataille de France furent célébrées en présence du président de la République française Emmanuel Macron.
Initialement enterré à côté de l’épave du char « Sampiero Corso », le double équipage qui était à son bord fut exhumé le 12 août 1941 en présence des familles et des anciens du 46e BCC et enterré au cimetière communal du village dans une tombe collective. Sur le côté de cette tombe, on peut voir un canon de 47mm SA 35 d’une tourelle APX-5 qui équipait le char B1 Bis.
Publié le 26 aoû 2024 - Mis à jour le
À l’aube du vendredi 10 mai 1940, après huit mois d’attente qui lui ont permis d’achever ses plans d’invasion, la Wehrmacht déclenche une offensive sur le front de l’Ouest. Tandis que les meilleures unités de l’armée française s’élancent à leur rencontre en Belgique, c’est à travers les Ardennes que l’essentiel des divisions blindées allemandes s’élance, atteignant la Meuse à Dinant, Monthermé puis Sedan le 12 mai. Le lendemain, la rivière est franchie et les contre-attaques françaises du 14 mai sont un échec. Le 15 mai, les premiers éléments blindés de la Wehrmacht atteignent Rozoy-sur-Serre puis Montcornet : le département de l’Aisne est à nouveau touché par la guerre.
Très rapidement la Thiérache devient le goulot d’étranglement d’une grande partie du corps de bataille allemand, les 1ère, 2e, 6e puis 10e Panzerdivisionen (PzD) descendant les vallées de la Serre et de l’Oise, par Vervins et Guise. Leur objectif : foncer résolument vers l’Ouest, au-delà de l’Oise et de la Somme, pour gagner au plus tôt le littoral de la Manche et couper les armées alliées en deux. Tandis que le Grand Etat-Major de l’armée française tente de rassembler des forces pour leur interdire toute progression, ce qu’il reste des divisions de la 9e armée française se replie de Belgique. Ces troupes exténuées ne peuvent tenir très longtemps face à la puissance mécanique de leur adversaire.
Le 16 mai, une nouvelle division blindée allemande, la 8e Panzerdivision du général Kuntzen, surgit des Ardennes et par Aubenton, roule en direction d’Hirson dont les lisières sont atteintes à la tombée de la nuit. Au même moment, les débris des divisions françaises envoyées en hâte en Belgique se replient, sans savoir que des blindés allemands s’apprêtent à surgir derrière eux. Sur les routes du nord de l’Aisne on croise alors des états-majors sans troupes ou des unités qui ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes, à l’instar de la 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA), dont le commandant, le général Sancelme, s’installe à Mondrepuis pour tenter de coordonner les mouvements de ses régiments dispersés entre Anor et La Capelle.
Ayant reçu l’ordre de se porter à La Capelle et de tenir la ville au moins 24h pour y ralentir l’adversaire, le général Sancelme quitte Mondrepuis le 16 mai dans la soirée, tandis que des éléments des 23e et 25e régiment de tirailleurs algériens (RTA) parviennent jusqu’à Mondrepuis et Clairfontaine avec ordre d’y résister sur place. Avec quelques éléments de ces régiments nord-africains, quelques pièces d’artillerie et la section de chars R-35 du 32e BCC du lieutenant Duboe, le capitaine Alliaume organise la défense de Mondrepuis, et fait dresser des barricades dans les rues et des retranchements dans certaines maisons, dont le bureau de poste.
Le 17 mai, à Mondrepuis, dès les premières heures, des bombardiers en piqué Stukas viennent harceler les positions françaises, tandis que des motocyclistes allemands lancent des reconnaissances pour évaluer leurs forces. Rassemblée sur la route d’Hirson à La Capelle, une colonne de la 8e PzD. donne l’assaut au village en milieu de matinée mais est repoussée dans la rue principale par les canons antichars français de 25 mm qui détruiront plusieurs blindés allemands durant la journée. Durant toute l’après-midi, les blindés allemands tentent à plusieurs reprises d’avancer mais les tirailleurs se défendent avec acharnement, soutenus par les chars du 32e BCC qui détruisent quatre blindés, non sans pertes. Ne pouvant prendre le village, les troupes allemandes décident d’effectuer un bombardement d’artillerie qui cause de nombreux dégâts au village, notamment à l’église. En fin d’après-midi, une nouvelle attaque conduit à de violents combats qui se terminent au corps-à-corps, et c’est ainsi que s’achève la résistance héroïque des Nord-Africains dans Mondrepuis.
Méconnus, les combats menés à Mondrepuis sont pourtant parmi les plus violents de Thiérache en mai 1940, et l’un des symboles de l’engagement des troupes nord-africaines durant cette campagne, puisque 314 combattants algériens, marocains ou tunisiens sont « Morts pour la France » dans l’Aisne entre le 10 mai et le 13 juin 1940. A l’instar des combats menés par les fantassins français au carrefour de l’Etoile, en forêt de Saint-Michel, ils sont un exemple des tentatives de combats retardateurs menés par l’armée française afin de redresser une situation militaire déjà fort compromise.
Non loin de Mondrepuis, en forêt de Saint-Michel-en-Thiérache, au carrefour de l’Etoile sur la route départementale 1050 en direction de Macquenoise (Belgique), vous pouvez également voir un autre monument concernant les combats de 1940 dans l’Aisne.
Ce monument, en pierre bleue de Thiérache, fut inauguré en 2003 à l’initiative de l’Association Saint-Michelloise du Souvenir de Mai 1940, et rend hommage aux vingt-quatre combattants français morts au cours des combats des 16, 17 et 18 mai 1940 en forêt de Saint-Michel, ceux-ci appartenant principalement aux 18e, 22e et 61e divisions d’infanterie alors en repli.
De là vous pourrez également emprunter un circuit forestier vers les blockhaus construits par la France à proximité de la frontière pour prolonger la ligne Maginot, et sur lesquels l’armée française s’appuya pour tenter de résister en mai 1940.
Publié le 28 aoû 2024 - Mis à jour le
Ayant traversé les Ardennes et atteint le département de l’Aisne le 15 mai 1940, l’essentiel des divisions blindées de la Wehrmacht traversent la Thiérache le 16 mai, prenant de vitesse une armée française débordée, et qui tarde surtout à comprendre que l’objectif de l’armée allemande est d’atteindre la côte picarde. Dès lors que les contours de cet axe d’attaque se dessinent, le Grand Quartier Général (GQG) de l’armée française envoie la 2e division cuirassée (DCR) dans l’Aisne, mais celle-ci reçoit rapidement des ordres contradictoires des généraux dont elle relève, et c’est de manière fractionnée qu’elle se déploie.
Le déploiement des unités de la 2e DCR dans l’Aisne est des plus chaotique le 15 mai alors que les blindés allemands arrivent dans le département : certaines unités débarquent à Etreux, Saint-Quentin, La Capelle ou Hirson, les ordres étant de colmater la brèche entre la 9e et la 2e armée. Le lendemain, devant les difficultés d’acheminement par voie ferrée des chars et la rapidité de l’avance adverse, tandis que des éléments se heurtent déjà aux divisions blindées allemandes à Montcornet, c’est de manière morcelée que les unités de la 2e DCR encore disponibles reçoivent finalement l’ordre de défendre à tout prix l’Oise et le canal de la Sambre à l’Oise.
Mais les moyens manquent pour mettre en œuvre cette mission. En effet, la 9e armée du général Giraud, à laquelle la 2e DCR est rattachée officiellement, ne dispose pas de divisions d’infanterie de réserve disponibles dans l’immédiat, et c’est donc les chars Hotchkiss de la 4e demi-brigade du lieutenant-colonel Golhen, composée des 14e et 27e bataillon de chars de combats (BCC), qui prennent en charge la défense des ponts le 16 mai, sous la supervision du général Delestraint, envoyé spécialement par le GQG pour coordonner l’action des chars entre Le Nouvion et La Fère.
Rapidement, les ponts de Oisy à Tupigny en passant par Etreux, Vénérolles et Hannapes sont pris en charge par les 2e et 3e compagnies du 14e BCC, les ponts de Grand-Verly à Origny-Sainte-Benoîte en passant par Vadencourt, Hauteville et Bernot par la 1ère et la 2e compagnie du 27e BCC. Fort heureusement elles sont renforcées dès le lendemain par des éléments de la 9e division d’infanterie motorisée (9e DIM) et par ce qu’il reste des 1re et 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA). Dans la journée du 16 mai, ils sont rejoints par les chars B1 Bis des 2e et 3e compagnies du 8e BCC qui viennent les épauler aux ponts de Guise, Vadencourt, Ribemont, Origny-Sainte-Benoîte et Moÿ-de l’Aisne, tandis que les ponts jusqu’à La Fère sont gardés par la 1ère compagnie du 14e BCC.
Concentrées sur leur objectif d’atteindre la côte picarde au plus vite, les divisions blindées allemandes du Panzergruppe von Kleist qui ont percé à travers la Thiérache avancent de leur côté selon un ordre de marche précis. Ainsi la 1ère panzerdivision (PzD.) du XIXe Armeekorps (mot.) du général Guderian se présente devant Brissy-Hamégicourt dès le 16 mai au soir, tandis que la 2e PzD. fait de même devant Ribemont. Se produit alors un fait que l’on pourrait penser incroyable, mais pourtant vrai : craignant des contre-attaques blindées françaises, Adolf Hitler ordonne à ses troupes de s’arrêter et de ne pas franchir l’Oise.
Cette décision fait enrager le général Guderian qui préfère donner sa démission que de perdre ainsi l’avantage, et il faut attendre le 17 mai dans l’après-midi pour que son commandement lui soit rendu et que l’avance vers l’Ouest puisse reprendre « officiellement », les éléments de tête n’ayant pas attendu pour avancer. Est-ce que cette situation aurait pu permettre aux troupes françaises de se renforcer sur l’Oise ? Selon toute probabilité, cela n’aurait rien changé, car sans unités de réserves à proximité, l’armée française n’aurait pas pu renforcer son dispositif.
Quoi qu’il en soit, si les divisions blindées de Guderian n’ont pas encore traversé l’Oise le 16 mai au soir, la 6e PzD de son côté, qui appartient au XLI Armeekorps (mot.) du général Reinhardt, toujours en pointe depuis le 15 mai, attaque Guise dans la soirée. Reprenant sa marche dès le lendemain matin, les premières automitrailleuses de la 6e PzD abordent l’Oise à Origny-Sainte-Benoîte et les chars les rejoignent peu après : la traversée de la vallée allait se faire en combattant.
Au moment où l’armée allemande arrive, c’est une défense française très hétéroclite, mais surtout très faible qui se présente devant eux. Essentiellement composée de 80 chars répartis sur près de 60 km, sans infanterie ou presque, avec quelques pièces d’artillerie, la défense française n’est pas en état d’offrir une résistance sérieuse à une armée allemande qui a prouvé sur la Meuse sa capacité à franchir des cours d’eau défendus.
Dès l’aube du 17 mai, les troupes allemandes tentent de s’emparer des ponts de Moÿ-de-l’Aisne, de Berthenicourt, de Mézières-sur-Oise où les chars Hotchkiss H-38 du 27e BCC et les B1 Bis du 8e BCC résistent courageusement, les ponts ne tombant aux mains des combattants allemands qu’à 13h. A Ribemont, les positions défensives françaises sont prises à revers et les blindés allemands franchissent rapidement la rivière, remontant la rive ouest vers Regny, Thenelles et Bernot, leur progression n’étant entravée que quelques heures par une contre-attaque de la 2e compagnie du 27e BCC à Hauteville. Plus au nord, la 6e PzD utilise la même tactique à Longchamps, Neuvillette et Hauteville et parvient à établir des têtes de ponts entre 12h et 17h avant d’exploiter sa percée en fonçant vers Aisonville-et-Bernoville.
Jusque dans la soirée du 17 mai, les combats font rage dans la vallée alors que les blindés allemands remontent la rive ouest de l’Oise. A Hannapes et Tupigny, les chars Hotchkiss H-38 du 14e BCC sont mis hors de combat. Le lendemain, une poignée de fantassins français épaulés par quelques chars réinvestissent pourtant Tupigny où les combats continuent toute la journée, plusieurs chars allemands étant détruits avant que la résistance française ne cesse.
Dès le début de l’après-midi, les Français sont débordés par les blindés allemands qui ont concentré leurs efforts sur la vallée de l’Oise, et les portes du Vermandois sont désormais ouvertes. Dans la soirée, l’ordre de repli est donné aux chars qui défendent la vallée de l’Oise mais tous ne le recevront pas. Les 18 et 19 mai, ce qu’il reste des 8e, 14e et 15e BCC, isolés dans le Nord du département, devront faire face à la 8e PzD devant les ponts sur le canal de la Sambre à l’Oise.
Bien que les chars de la 2e DCR aient fait tout leur possible pour tenir la vallée de l’Oise, la défense du Vermandois était presque impossible. Individuellement, ces chars se sont battus avec courage mais sans infanterie, sans soutien d’artillerie ni même de colonne de ravitaillement en essence et en munitions, ils ne pouvaient sans doute faire mieux. La rapidité de l’avance allemande ne sera pas sans conséquences, puisque le flanc sud du XIXe Armeekorps (mot.) du général Guderian sera fragilisé quelques jours et devra faire face à des tentatives de contre-attaques françaises le 19 mai à Essigny-le-Grand, par ce qu’il reste de la 2e DCR, et à Crécy-sur-Serre par la 4e DCR, le haut-commandement de l’armée française ayant compris trop tard l’intérêt de disposer de réserves mobiles et puissantes pour contre-attaquer.
Publié le 28 aoû 2024 - Mis à jour le
Après avoir traversé la Thiérache en moins d’une journée, les 1ère, 2e et 6e panzerdivisionen (PzD.) de l’armée allemande ont atteint la vallée de l’Oise le 16 mai, mais la 8e PzD. qui a pénétré dans l’Aisne par Aubenton, a rencontré de nombreuses résistances à Mondrepuis, Clairfontaine puis La Capelle. Les avant-gardes de celle-ci n’arrivent en vue du canal de la Sambre à l’Oise que le 17 mai dans la soirée. En face d’elles : des unités françaises déterminées à interdire tout passage du canal.
Le 17 mai, alors que l’on se bat encore dans le Nord du département à Saint-Michel, La Capelle et Mondrepuis, la résistance semble s’organiser sur le canal de la Sambre à l’Oise. En effet, le général Henri Giraud, nommé à la tête d’une 9e armée en déroute le 15 mai, s’est installé à Wassigny et peu à peu des états-majors et des troupes en errance s’y rassemblent. C’est ainsi que les blindés de la 2e division cuirassée, bien que celle-ci soit dispersée, sont mis à sa disposition. Rapidement, 80 chars sont ainsi disséminés de Oisy à Moÿ-de-l’Aisne au fur et à mesure de leur arrivée, pour défendre les ponts sur lesquels les Allemands comptent bien passer afin de poursuivre leur invasion.
Afin de soutenir ces chars, des éléments de la 9e division d’infanterie motorisée (DIM) reçoivent l’ordre de défendre le canal entre Landrecies et Hannapes. Une poignée de combattants du 23e régiment de tirailleurs algériens (RTA) et du 13e régiment de zouaves (RZ), reliquats de la 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA) repliée de Thiérache, se joignent aussi à eux et s’installent à Hannapes et Tupigny. Dans la matinée, des batteries du 54e régiment d’artillerie nord-africaine (RANA) de la 1ère DINA les rejoignent et viennent s’installer en position antichars aux ponts d’Etreux et de Oisy, bientôt rejointes par un escadron à cheval du 91e groupe de reconnaissance de division d’infanterie (GRDI) qui s’installe à Oisy.
Enfin, vers 13h le même jour, ce qu’il reste de la 1ère DINA, qui a combattu la veille à Trélon (Belgique), parvient, en traversant sous le couvert de la Queue de Boué, jusqu’à Etreux. Commandés par le lieutenant-colonel Trabila, les 1er et 2e bataillons du 28e régiment de tirailleurs tunisiens (RTT) et le 1er bataillon du 27e RTA se présentent au pont après une marche de 45 km et y trouvent des éléments du 13e régiment d’infanterie (RI), un canon de 75 mm et des chars B du 15e bataillon de chars de combats (BCC), bientôt remplacés par les H-39 du 14e BCC. Exténués, ils prennent la route de Wassigny pour s’y réorganiser.
Le 18 mai à l’aube, le général Giraud toujours installé à Wassigny voit venir à lui le général Tarrit, commandant de la 1ère DINA, qui apprend ainsi ce qu’il est advenu de sa division, ou du moins ce qu’il en reste. Mais pendant ce temps la majeure partie de la 8e PzD arrive en vue du canal de la Sambre à l’Oise, et c’est une défense française organisée bien que très hétéroclite qui s’offre désormais aux Allemands qui prennent le temps de rassembler leurs forces durant toute la journée. Profitant de ce répit, les troupes françaises consolident leurs positions, avec ordre de faire sauter les ponts, si possible, et détruire les maisons qui pourraient faciliter l’installation des tireurs allemands.
Vers midi le pont de Oisy, tenu par l’escadron du 91e GRDI, deux canons antichars de 25 mm, une compagnie d’infanterie du 13e RI ainsi qu’un canon du 54e RANA, est détruit par les troupes françaises, qui abattent également un bombardier allemand. Tout près de là, une maison près de la berge est détruite au canon, pendant que les artilleurs allemands règlent les tirs de leurs pièces en effectuant des bombardements ciblés. Vers 15h30, les 5e et 7e compagnies du 5e régiment de tirailleurs marocains (RTM) sont envoyées constituer un poste avancé sur le canal à Petit-Cambrésis avec deux canons de 47 mm du 54e RANA tandis que des éléments du 28e RTT et du 27e RTA font de même à Oisy et Etreux, dont les défenses sont assurées par le 13e RI et trois canons de 75 mm.
Malheureusement pour l’armée française, la rapidité est la clé en ce mois de mai 1940, et à cela son adversaire s’est bien préparé. Dès le 17 mai, les troupes allemandes avaient pénétré en forêt de Mormal, plus au nord, et investi Le Quesnoy le 18 mai. Sans en avoir conscience, les troupes françaises qui défendent le canal de la Sambre à l’Oise étaient déjà contournées quand la 8e panzerdivision passe à l’attaque le 19 mai. Les combats sont néanmoins intenses, le point d’appui français de Oisy recevant à lui seul entre 3 000 et 4 000 obus de la part de l’artillerie allemande.
Face à une résistance française opiniâtre et l’impossibilité de passer au niveau des ponts, les blindés allemands font demi-tour. C’est finalement au sud d’Etreux et au nord de Oisy que l’infanterie allemande traverse le canal sur des canots pneumatiques et des passerelles provisoires, contournant par le nord et le sud les localités trop bien défendues par les troupes françaises.
En fin de journée, débordées par les infiltrations allemandes de part et d’autre du canal, les troupes françaises, à bout de munitions et ayant subi de grosses pertes, refluent sur Wassigny pour celles qui le peuvent encore.
Dans la soirée du 19 mai 1940, le lieutenant-colonel Trabila qui commande les restes de la 1ère DINA voit arriver les défenseurs du canal de la Sambre à l’Oise qui ont pu se replier après l’assaut allemand : c’est une question d’heures avant que les panzers ne se présentent devant le village. Déjà des accrochages ont lieu sur la route du Cateau et il ne fait plus aucun doute que Wassigny est sur le point d’être encerclé.
Le général Giraud, commandant la 9e armée, se trouvait dans le village la veille, et lui a ordonné de se mettre en état de défense. Trabila a mis en place le 1er bataillon du 27e RTA sur les lisières sud et sud-est de la forêt d’Andigny, face à Etreux et Hannapes et les deux bataillons du 28e RTT dans le village, à la gare et ses entrées principales, au blocus de Vénérolles et aux sorties vers Le Cateau et La Vallée-Mulâtre, ainsi que dans le centre de Wassigny.
Le 20 mai, dès 7h, les Allemands tentent de s’infiltrer dans le village en remontant la voie ferrée Guise-Mennevret-Wassigny et se heurtent aux 1ers bataillons du 28e RTT et du 27e RTT qui sont sérieusement accrochés tandis qu’à l’Est, des éléments du 1er bataillon du 5e RTM détruisent de nombreux chars. Toute la journée, les défenseurs de Wassigny font l’objet de tirs d’artillerie et d’attaques en piqué de l’aviation allemande. Vers 16h, l’infanterie allemande relance son attaque et la 7e compagnie du 28e RTT se bat à 120 contre 1 000 à la gare. Les assauts sont repoussés mais les Allemands parviennent tout de même à s’infiltrer dans le village. Installé dans une ferme du centre, le lieutenant-colonel Trabila est lui-même abattu d’une rafale de mitraillette. En fin de journée, les cartouches s’épuisent et les rangs s’éclaircissent, et à la nuit tombée c’est par endroits au corps à corps que certaines unités parviennent à se replier par la forêt, actant la fin de cette bataille.
Seule véritable tentative sérieuse de redressement des positions françaises sur le canal de la Sambre à l’Oise et sur l’Oise pour bloquer la percée allemande vers l’Ouest, la défense menée par les unités de la 9e armée à Oisy, Etreux, Vénérolles, Hannapes, Tupigny ou encore Wassigny fut solide bien qu’hétéroclite, mais trop faible pour tenir un si large front. La mobilité de leur adversaire, sa puissance de feu et sa capacité à être soutenu par son aviation de bombardement en piqué ne pouvait que les déborder. Aujourd’hui le monument d’Etreux est l’un des rares avec celui de la 1ère DINA dans le cimetière de Wassigny, qui rend hommage à tous ces hommes qui reposent encore pour beaucoup à la nécropole nationale de la Désolation, à Flavigny-le-Petit.